C’est le feuilleton de l’été. Annoncée imminente tous les jours depuis presque deux mois, la signature de Mario Balotelli à l’OM n’en finit pas de rebondir... et d’agacer désormais de plus en plus d’acteurs de cet épisode à l’issue toujours aussi incertaine.


Les photos ont tourné partout dans la presse people italienne. Dessus ? Mario Balotelli accompagné d’une jolie brune, au bord d’une piscine privée de Monte-Carlo. Les spécialistes présentent la demoiselle comme la nouvelle conquête officielle de l’attaquant international, trois mois seulement après sa séparation avec Clelia, maman de son deuxième enfant et responsable en personne de sa bonne dernière saison avec Nice. Parole de buteur. « J’ai moins de blessures qu’avant, je joue mieux. Mais mon secret ne se trouve pas dans le travail. Mon secret, c’est la sérénité que j’ai trouvée à la maison avec Clélia.» L’histoire appartient maintenant au passé. Les vacances ont aidé à tout oublier. Quelques jours plus tôt, l’attaquant était aperçu du côté de Ghedi, à une heure trente de route de Milan, seul, en train de s’acheter quelques fringues chez Benetton et d’enchaîner les selfies avec les clients. Plus tôt encore, l’Italien tapait le ballon avec le rappeur 6ix9ine, entre deux visites chez des potes et une autre dans une école de Bovezzo, près de Brescia, dans le nord de l’Italie, après avoir partagé des vacances avec son frangin et des amis du côté de Miami et entretenu le corps et le physique avec le coach sportif de Brescia (voir encadré page 15). À la cool. Loin des questions qui agitent son avenir et son arrivée sur Marseille, annoncée faite un jour, et impossible, le lendemain. « Elle est pénible cette histoire, souffle Alexandre Jacquin, responsable adjoint du service des sports de la Provence, à Marseille. Je suis parti en vacances le 20 juin en pensant que ça allait se conclure, rapidement. Je suis rentré le 16 juillet et rien n’avait bougé. Depuis, je me suis remis dessus, mais ça ne bouge pas. Donc, on arrête d’en parler, tant qu’il n’y a rien de neuf. Après, je n’oublie pas, non plus, que les arrivées de Rami et de Mandanda avaient été très longues la saison dernière. Mais on est blindés avec ça, ici. Niveau épisode à la Dallas, on est pas mal à Marseille. Depuis Bielsa, on s’attend à tout. La seule différence avec le passé, c’est que la nouvelle direction ne s’affole jamais, alors qu’avant ça partait dans tous les sens... Là, tout le monde reste calme.»

 

«ON A INTÉRÊT À FAIRE BALOTELLI, SINON ON EST MORTS VIS-À-VIS DES SUPPORTERS »


En ville, l’ambiance respire moins la sérénité. Chez les supporters, la colère monte, les avis sur le bonhomme deviennent plus tranchés. La faute à une histoire devenue beaucoup trop longue dans le temps. Entre deux gorgées de Coca, Sam, installé en terrasse, balance sévère sur l’Italien. « Mais qu’il reste chez lui ! On n’en peut plus ! S’il ne veut pas venir, qu’il ne vienne pas. On ne veut pas revivre une Jardel, ici (voir encadré page 14) ! » Depuis le début de l’été, le nom de Balotelli anime toutes les conversations de la ville. Sur le Vieux-Port, à la Castellane, au festival Jazz des Cinq Continents. Partout, tout le temps. « À chaque fois que je sors, on me demande où ça en est, rigole Alexandre Jacquin. Les supporters sont impatients. Où que j’aille, ce sont les mêmes questions. Mais je ne sais plus quoi répondre.» Bientôt deux ans que le proprio américain, Franck McCourt, promet l’arrivée d’un grand attaquant à ses supporters. L’été dernier, les pistes se sont succédé pendant deux mois. Mais Giroud, le plan A de toujours, n’a jamais voulu venir. Kalinic a filé vers le Milan AC. Bacca et Jovetic n’ont jamais pas été validés par le coach, Rudi Garcia. Moussa Dembélé a été jugé trop cher. Wilfried Bony n’a convaincu personne. Vincent Aboubakar présentait un dossier trop compliqué. Et Konstantinos Mitroglou a débarqué dans les toutes dernières minutes du mercato. Sans succès populaire. «Cette recrue n’avait vraiment pas convaincu, souffle un autre supporter. On ne veut pas revivre ça cette saison. Il y a une énorme attente populaire, ici à Marseille. Si on fait Balotelli, ça sera une dinguerie ! » Les dirigeants marseillais mesurent l’importance du dossier. Les supporters attendent Mario Balotelli. Personne d’autre. En interne, le directeur sportif espagnol, Andoni Zubizarreta, a récemment soufflé à l’un de ses interlocuteurs : «On a intérêt à faire Balotelli, sinon on est morts vis-à-vis des supporters.» Bientôt six mois que les dirigeants gèrent le dossier de l’attaquant, priorité absolue du club. « Le premier coup de téléphone de Zubizarreta à l’agent de Balotelli (Mino Raiola) remonte à février, explique une source. Mitroglou était encore blessé, ils ont voulu anticiper très tôt le transfert. À l’origine, il plaisait beaucoup au coach Garcia et à Zubizarreta, mais pas du tout à Jacques-Henry Eyraud. Lui, il voulait Ben Yedder. Mais le dossier était trop compliqué, et il a fini par se ranger du côté de son entraîneur, avec qui il devrait bientôt parler de sa prolongation de contrat. Il voulait lui faire plaisir. Maintenant, tout le monde veut Balotelli.» À condition de se mettre d’accord. « L’agent Mino Raiola a longtemps expliqué que son joueur était libre, mais c’est faux, explique une autre source. Et les relations entre les dirigeants niçois et marseillais ne sont pas au summum. Donc, ce n’est pas simple...»

 

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« UN DOSSIER TRÈS SIMPLE DEVENU COMPLIQUÉ »


À 188 bornes de la cité phocéenne, Nice accuse encore le coup. Les histoires d’amour finissent mal en général. Celle-ci, comme beaucoup. Début juillet, la tribune Populaire Sud adressait un message piquant à l’attaquant, via un communiqué publié sur le Net. « Nous tenons à rappeler à Mario que le peuple niçois l’a accueilli à Nice comme un enfant de la ville et du club, qu’il a été aimé, acclamé, soutenu ici comme nulle part ailleurs, et sans doute comme jamais depuis le début de sa carrière. Nous nous sentons trahis qu’il agisse de cette façon vis-à-vis d’un club et d’un public qui l’ont respecté et aidé à se relancer. Mario, quand on est convoqué pour une reprise même en sachant que, peut-être, on ne reste pas, on vient à l’heure et on dit au revoir poliment, au lieu de s’échapper comme un voleur.» Le comportement de Balotelli ne passe pas. L’Italien ne s’est jamais présenté à la reprise de l’OGC Nice fixé fin juin. Poussé par ses proches, il a séché son retour à l’entraînement. « Un joueur comme Plea aussi était en instance de départ, soufflet-on en interne à Nice. Lui était pourtant à l’heure pour la reprise en attendant que tout se règle. Mais on avait compris un ou deux jours avant la reprise qu’il allait se passer quelque chose avec Mario. C’est dommage de finir comme ça, en aquaplaning. L’histoire était pourtant belle.» De retour à Nice, quinze jours après l’ensemble du groupe, Balotelli s’entraîne, depuis, seul dans son coin. Loin des autres. Presque caché. Et à des horaires différents de ceux de ses partenaires. « Il ne croise pas les joueurs ni les supporters, explique un proche du club. Donc, il est tranquille. Mais son comportement est mal passé.» Pas de quoi énerver davantage les responsables niçois, très calmes devant la situation. «On est très tranquilles, nous dit-on encore dans les bureaux niçois. On lui a demandé de revenir pour respecter le club, il l’a fait, maintenant, on attend. On n’a aucune raison de paniquer. Il est encore sous contrat chez nous. S’il doit rester, il restera.» Engagé pour encore une saison à Nice, l’Italien peut quitter l’OGCN contre un chèque de 10 M€, le montant d’une clause sous seing privé signée entre les deux parties. Parole des dirigeants. « C’est un dossier très simple qui est devenu très compliqué, explique un salarié niçois. Le club lui a assuré qu’il pouvait aller où il voulait si la somme était réglée. L’accord est clair et on ne reviendra jamais dessus. C’est à eux de voir.» Sous entendu, Marseille.


MANANT, COLIS ET FLOCAGES


À Marseille, l’idée de voir Balotelli mener l’attaque de l’OM est déjà installée dans toutes les têtes. Et tous les moyens sont bons pour attirer l’Italien sur la Canebière. En conférence de presse, Florian Thauvin a milité pour sa signature. « J’en ai discuté quelques secondes avec lui à la mi-temps du match contre l’Italie (3-1). Ce serait un grand plaisir pour nous qu’il nous rejoigne. Il fait partie des meilleurs du monde quand il est au top niveau. On l’attend.» En pleine Coupe du monde, Adil Rami y est aussi allé de son commentaire. « Viens chez nous, on va gagner ensemble.» Même le coach, Rudi Garcia, s’est prêté au jeu des interviews pendant ses congés pour dire tout le bien qu’il pensait de l’Italien, après l’avoir appelé directement. Fin juin, Jacques-Henry Eyraud, surtout, l’a invité à la Commanderie pour connaître ses intentions, avant même de s’être mis d’accord avec l’OGC Nice. Pas du goût du voisin. « À la limite, on nous appelle et on nous prévient qu’on veut le rencontrer, pas de problème, dit-on dans les bureaux azuréens. Mais on le fait discrètement, dans un hôtel. Ce sont des choses qui se font. Là, le faire à la Commanderie, à la vue de tout le monde, sans que rien ne soit bouclé, c’est un manque de respect. On nous jette la pièce comme des manants. Estce que si l’AS Roma leur faisait ça avec Thauvin, ils apprécieraient ? Je ne crois pas.» La vidéo de Balotelli, planqué dans une voiture aux vitres fumées, a vite fait le tour des réseaux sociaux et rendu toujours un peu plus crédible son arrivée à l’OM. Une histoire parmi d’autres, finalement. Quelques semaines plus tôt, le frangin Balotelli « likait » sur Instagram la photo d’un maillot de l’OM floqué au nom du frère, avant de voir la photo d’un colis au nom de l’international italien, envoyé à la Commanderie, atterrir sur Twitter. Le début d’un nouveau buzz. « C’est l’un de mes amis qui travaille au centre de tri qui m’a appelé pour me dire qu’un colis au nom de Balotelli devait arriver au centre d’entraînement de Marseille, envoyé par son sponsor Puma, explique Bastien Cordoleani, chroniqueur radio et Internet, à l’origine du cliché qui a fait causer tout Marseille. C’est quand même bizarre. Pourquoi se faire livrer à la Commanderie si le transfert n’est pas fait ? Et juste après, ce sont des flocages Balotelli arrivés dans des boutiques de Marseille qui étaient postés sur Twitter... Ça veut quand même dire que c’était prêt. Ils anticipaient une grosse opération marketing. Mais, depuis, rien.» Tout Marseille reste dans l’expectative, le sponsor ne donne pas plus de détail sur les clichés.

« Puma n’intervient pas dans un transfert », évacue-t-on du côté de la marque allemande.

 

« IL FAIT CHIER L’OBÈSE ! »

 

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Fin juin, Marseille et son nouvel équipementier avaient pourtant organisé une soirée, avec teasing, joueur masqué et publicité sur la semaine entière, pour présenter le nouveau maillot à venir. Longtemps, les supporters ont cru que les dirigeants profiteraient de l’événement pour présenter leur recrue italienne. « Si c’est ça, c’est du génie », pouvait-on entendre pendant la soirée. Mais personne n’est jamais arrivé. Encore raté. « À l’heure où l’on se parle, il y a plus de chance que Balotelli ne vienne jamais à Marseille, souffle un proche du dossier. Quand on travaille à l’OM, on finit par prendre un peu la grosse tête.

C’est ce qu’il se passe avec les dirigeants.» D’autres pointent du doigt l’agent du joueur, Mino Raiola, accusé de vouloir faire grimper les enchères des deux côtés. « Balotellli qui ne vaut que 10 M€, c’est cadeau pour un joueur pareil, explique un autre proche du dossier. Il devrait valoir 50 à 60 M€. Mino Raiola essaye donc de récupérer une grosse prime à la signature pour compenser le faible prix de son joueur. Il fait monter les enchères de tous les côtés. Mais Nice ne bougera pas. Le club ne veut pas verser le moindre sou à l’agent. De l’autre côté, l’OM tente tout pour essayer de débloquer la situation. Mais ils n’ont même pas encore envoyé d’offre officielle à Nice...» Un club chinois est récemment venu aux nouvelles et a proposé 30 M€ de salaire à l’Italien. Sans succès. Al-Wahda Club, aux Émirats arabes unis, a proposé près de 15 M€. Sans succès encore. L’agent de Zlatan, Pogba ou Matuidi voit plus grand pour son joueur et a sondé l’Italie. Mais le garçon ne fait pas l’unanimité. Ni à Rome, Naples ou à la Juventus, destinations sur lesquelles fantasme Mino Raiola. «On ne va pas se faire marcher dessus, dit-on encore du côté de Nice. On n’est pas dans l’état d’esprit de le bloquer, mais s’il faut le garder, on le gardera.» De l’autre côté, Marseille ne lâche rien. Un salaire de 800 000 € brut par mois a été proposé à l’international italien. Jamais l’OM n’avait offert un contrat aussi élevé dans son histoire. Toujours pas suffisant pour l’agent du joueur. « Les dirigeants de l’OM n’en peuvent plus de lui, souffle un proche de l’OM. Ils l’appellent “l’obèse” dans les bureaux. Ils disent : “Il fait chier l’obèse, il a encore demandé ça”... Ce n’est pas simple... » Comme le salaire proposé, peut-être source de futurs ennuis. «On essaye de lui faire signer un contrat long pour pouvoir lisser son énorme salaire, dit encore ce proche marseillais. Dans le cas contraire, ça pourrait faire tiquer les autres dans le vestiaire.» Côté olympien, certains dirigeants pensent avoir fait tous les efforts nécessaires auprès de Mino Raiola. « Quand vous achetez Balo, vous achetez Mino avec », sourit-on à Nice. En cas d’échec, de nouvelles pistes commencent à être étudiées, malgré l’envie du joueur de rejoindre l’OM. « C’est plus compliqué que pour un dossier ordinaire, a récemment expliqué Zubizarreta, le directeur sportif de l’OM. Dans cette optique, est revenue à la surface la piste Olivier Giroud, déjà approché l’hiver dernier. À l’heure où nous bouclions, aucune confirmation d’un intérêt réciproque n’avait filtré de l’entourage du Français. Et l’hypothèse d’une fausse piste n’était pas à écarter dans le cadre d’une opération qui n’est pas à un rebondissement près.