Pour sa première expérience d’entraîneur en Ligue 1, le champion du monde 1998 a choisi une communication à l’opposé des mœurs actuelles.


Il faut avoir vu Mister Vieira, ce documentaire exceptionnel diffusé sur Canal +, en décembre, dans lequel la vie mouvementée des joueurs niçois a été filmée de l’intérieur, durant les six premiers mois de la saison, pour découvrir la personnalité de Patrick Vieira, leur entraîneur, et mesurer la difficulté de manager une équipe professionnelle. Et il faut être l’OGC Nice, probablement le club le plus ouvert, le plus convivial et le plus moderne de la Ligue 1, en termes de communication, pour offrir au grand public, supporters, sympathisants ou simples passionnés de foot, un tel regard sur le quotidien d’un groupe, et sur les trésors de patience, de tempérance et de force qu’il réclame à son entraîneur.


Il n’est pas un imposteur assis sur son nom et sa carrière de joueur


À l’heure où la majorité des clubs professionnels ferme l’accès aux joueurs, sans que l’on sache toujours dans quel but – tantôt pour promouvoir leurs médias internes, tantôt pour entretenir la culture du secret qui rend les gens intéressants –, le Gym reste l’un des rares partisans de l’ouverture. Il est toujours possible d’y déceler une intention de s’attirer les faveurs des médias, toujours sensibles à leur confort de travail ; en l’occurrence, c’est d’abord sa propre image, et celle de son entraîneur, que le Gym a souhaité, et réussi, à valoriser.


Lorsque Patrick Vieira est passé de New York à Nice, cet été, pour succéder à Lucien Favre – l’homme qui domine aujourd’hui la Bundesliga avec Dortmund –, nous sommes nombreux à nous être demandé pourquoi il avait été choisi, lui plutôt qu’un autre. Et lorsque plusieurs salariés du club – dirigeants haut placés ou membres du staff technique – continuaient à nous assurer qu’il était un bon entraîneur, consciencieux, compétent, disponible, malin, à la fois autoritaire et à l’écoute, en dépit d’un début de saison raté, il était facile d’imaginer qu’ils ne pouvaient rien dire d’autre, au club.


Mister Vieira, comme Les Yeux dans les Bleus, vingt ans plus tôt, comporte sa part de subjectivité, dans le choix des images et des sons, mais le film a l’avantage de répondre aux questions les plus basiques. Non, il n’est pas simple de gérer les personnalités parfois capricieuses ou infantiles de certains joueurs. Oui, Vieira est un vrai entraîneur, qui a appris son métier, à l 'école et sur le tas, et pas un imposteur assis sur son nom et sa carrière de joueur. Enfin, puisqu’il faut bien confronter la communication aux résultats, le travail et l’investissement d’un entraîneur ne garantissent pas qu’il réussisse.


À l’opacité, érigée en règle, Vieira a donc choisi la transparence, pour ses premiers mois d’entraîneur de L 1. Cela nous avait déjà sauté aux yeux, lorsqu’il nous avait confié, dans un entretien pour L’Équipe, avoir, plusieurs fois, « voulu coller Mario Balotelli au mur ou au portemanteau », au cours de la saison. Une phrase choc qui dit tout de l’univers du foot d’aujourd’hui, de sa complexité et de sa vérité, celle qu’ils veulent à tout prix cacher, ici et là, à renfort de bouclages à triple tour et de main devant la bouche. Nice et Vieira ont choisi une autre voie, provisoirement au moins. Ça ne fera pas d’eux les champions de France, mais cela suffit à en faire des gens comme les autres