André Bloch est directeur de l'organisation et de la sécurité de l'OGC Nice depuis huit ans. Après une carrière de 34 ans dans la police judiciaire avec notamment la charge de la brigade criminelle de Nice, l'homme est partisan du dialogue constant avec les ultras et d'un juste alliage de prévention et de répression.

A Nice, un groupe d'ultras, "la Brigade Sud Nice" (BSN), s'est mis en sommeil la semaine dernière. Qu'est-ce que cela vous inspire ?

 

Ils ont en effet annoncé qu'ils allaient désormais laisser chacun faire ce qu'il voulait. Ils renoncent à gérer et à organiser leur 2 000 membres avec toutes les conséquences que cela peut avoir pour nous. Au quotidien, je ne vais plus avoir d'interlocuteurs pour mon travail de dialogue et de prévention. Je ne saurai plus rien de leur manière de se déplacer. Il me sera donc difficile d'informer les équipes adverses. Au-delà de cela, on peut émettre deux hypothèses quant aux raisons de cette décision. La première anticipe peut-être une possible dissolution décidée par le préfet suite aux événements de Nice-Monaco (envahissement du terrain et bagarre sur la pelouse le 30 janvier). La seconde, au vu du contexte actuel, pourrait être un désir des plus anciens de la BSN de protéger les plus jeunes, les moins facilement raisonnables : "Attention, vous allez au casse-pipe si vous ne vous calmez pas".

 

L'image des ultras et du football français est déplorable. Etes-vous en accord avec ceux qui prônent la tolérance zéro et le tout-répressif ?

 

Bien sûr que le racisme et la violence sont présentes dans les stades et dans le football. Mais ces deux fléaux sont également présents ailleurs. Cela se voit plus dans le football du fait de la très importante couverture médiatique et des nombreuses retransmissions. L'exemple du match contre Monaco est frappant. On a vu une bagarre en boucle sur toutes les chaînes pendant une semaine. Est-ce qu'une bagarre, aussi condamnable soit-elle, mérite d'en faire autant ? Oui, on peut toujours dire qu'à Paris elle a entraîné la mort d'un homme. Mais est-ce que les stades sont vraiment le principal foyer du racisme et de la violence en France ?

 

Moi, je reste convaincu qu'il vaut mieux expliquer et prévenir que réprimer de prime abord. Alors peut-être que certains pensent que tout a déjà été tenté en matière de prévention ? Il faudrait quand même me montrer qui a réalisé ce travail... A mon sens, c'est un aveu d'échec de penser que seule la répression peut sauver le football. Je pense qu'il faut continuer à dialoguer, à expliquer et à éduquer.

 

En janvier, le premier congrès des associations de supporteurs de football a été organisé à Paris. Ce genre d'actions est-il positif ?

 

Organisé à l'initiative de la secrétaire d'Etat chargée des sports, Rama Yade, et sous la direction du sociologue spécialisé Nicolas Hourcade (lire l'entretien), ce congrès s'est très bien déroulé. Je pense que c'est une chose essentielle. Il faut attendre pour voir jusqu'où va aller l'initiative et si on va poursuivre dans ce sens. J'ai participé au congrès et j'ai emmené avec moi des représentants des ultras niçois et notamment des BSN. Il est important que les supporteurs puissent s'exprimer.

 

Depuis huit ans, comment travaillez-vous au quotidien à Nice ?

 

En permanence, je rencontre les gens, j'essaie d'aider les supporteurs les plus anciens à encadrer les plus jeunes. Ce sont souvent des jeunes gens en mal de reconnaissance et désœuvrés. Ils trouvent dans le groupe, la tribune, une communauté qui leur permet d'exister. Lorsqu'on leur donne la parole et une certaine reconnaissance, on arrive à certains résultats positifs. Vous savez, même en cas de dérives, je continue à rencontrer les fautifs. Parfois, leurs explications me convainquent, parfois non. Souvent, ils font profil bas et reconnaissent leurs torts. La punition doit être juste, pour entraîner une compréhension et une acceptation.

 

Pour résumer, c'est un travail de longue haleine, de tous les jours. J'ai l'impression d'être confronté à un "tonneau des Danaïdes". Une génération de jeunes avec les mêmes problèmes remplacent la précédente. Il faut recommencer à chaque fois. A condition d'avoir des interlocuteurs en face...

 

L'exemple anglais avec notamment l'augmentation du prix des places est souvent présenté comme la panacée en ce domaine.

 

On n'entend plus parler que de ça... Si l'on suit cet exemple, si l'on augmente fortement le prix des places, cela permettra effectivement de sortir les plus défavorisés des stades. Cela veut dire qu'on les aura ailleurs mais oui, on ne les verra plus. Les Anglais ont bien travaillé dans les stades médiatisés. Il ne faut pas être dupe : les hooligans anglais ou hollandais n'ont pas disparu. On les retrouve dans d'autres rencontres et également dans les déplacements avec l'équipe nationale.