Nous étions au Ray contre Bordeaux dimanche. Et là, peu à peu, comme remontant des profondeurs de notre affect où, par pudeur, par prudence, car nous savons tous ce que nous coûtent ces fous espoirs, à nous qui supportons le Gym, nous l'avions enfoui, nous avons exhumé ce souvenir doux, caressant, rassurant, sucré, épicé… Ce parfum de plénitude, de bonheur. Ou, tout au moins, qui y ressemblait étrangement. Rappelez-vous, c'était il y a une éternité, c'était hier, c'était il y a si longtemps, c'était pourtant il y a huit ans seulement… Un rêve, un rêve rouge et noir, un tourbillon d'émotions, de passion. 

 

 

Rappelez-vous, ces vieux fidèles qui ressuscitaient et réapprenaient la saveur à nulle autre pareille de la victoire, de la gloire. Ces jeunes supporters à qui on avait dit qu'il fallait circuler, que depuis trop longtemps il n'y avait rien à voir, ou, à défaut, les pitreries indignes d'un club de football, et qui écarquillaient les yeux tout grand en voyant une bande de copains en tenue rouge et noire corriger l'OM, fesser Monaco, punir Bastia, Montpellier et tant d'autres, poser le jeu à Paris, à Lyon, à Auxerre, rentrant des points plein la musette de destinations jusqu'alors rêvées et redoutables. Une bande de types matures, responsables, humains, dignes. Pas les plus doués qui aient évolué en France, ni même sous le maillot rouge et noir, loin de là ! Mais des gars capables de renoncer à leur prime de montée pour sauver le club, ou venus de droite et de gauche avec une seule ambition : profiter encore une fois d'un contrat pour taper dans le ballon sans arrière-pensée. A des années lumières du foot business des Anelka et des Evra - tiens, en voila un qui n'avait décidemment pas les qualités pour rester au Gym ! Un coach aux antipodes d'une prétendue "mentalità" qu'il faudrait démontrer pour s'imposer au Gym. Un coach qui n'avait pas besoin de s'en prendre rageusement à la terre entière pour faire passer son message. Un coach qui a su utiliser des bouts de ficelles pour faire des miracles, là où d'autres n'on pas mieux fait avec des millions. Un Germain, un Teuton, qui faillit l'espace de deux saisons de rêve convertir la Côte d'Azur à la rigueur et à la discrétion germaniques, un coach intelligent, un chef de bande qui savait cacher sous sa redoutable répartie et sa bonhomie affichée la ruse d'un fin politique. Le coach qu'il nous fallait alors pour guider avec astuce et psychologie ce groupe au fond très moyen vers des sommets que lui seul le savait capable de tutoyer.

 

Rappelez-vous, ça sentait le plaisir simple, authentique, d'aller supporter un club, une équipe, avec laquelle on pouvait s'identifier, dont on pouvait être fier, dans la défaite ou dans la victoire. Une joie saine dont des marchands de rêve, des escrocs en col blanc et quelques politiciens de bas étage nous avaient privés pendant trop longtemps. Rappelez-vous, ce Ray qui sonnait plein, qui vibrait, qui grondait, comme l'antre d'un monstre prêt à engloutir tout qui oserait venir contrarier le rêve retrouvé d'un peuple. Un peuple rouge et noir uni, de nouveau, loin des querelles qui ont toujours miné notre Gym, une union sacrée magnifique, instinctive, superbe, spontanée ; un peuple rouge et noir retrouvant tout à la fois sa fierté et un pan inaltérable de son identité, retrouvant la joie simple de porter fièrement ses couleurs sacrées, de chanter dans la communion intense d'un avant match son hymne, cet air si doux, si nostalgique, qui dit si justement le bonheur retrouvé d'être Niçois.

 

Rappelez-vous, Eric Roy courait encore sur la pelouse du Ray, inscrivant même le dernier but à domicile de la saison face à… Bordeaux.

 

Et si c'était reparti ? Et si au fond tout pouvait recommencer ? Et oui, cela ne coûte pas grand chose de rêver, au fond, même si l'on sait bien que la gueule de bois guette souvent le supporter niçois au réveil. Porca miseria, ce blême lendemain de finale au stade de France ! Ce fichu lendemain de Nice-Vannes ! Comme si nous pouvions ignorer qu'il y a encore tant à faire, à reconstruire. Tiens, pour commencer, désormais, c'est à la DNCG qu'il faut s'adresser pour recruter. Comment avons-nous pu laisser dériver la barque niçoise en eaux si troubles ? Comment avons-nous pu oublier les principes de saine gestion qui ont guidé le club pendant ces belles années ? Et puis, je parlais d'un Nice-Bordeaux de mai 2003, match sans enjeu devant près de 18 000 spectateurs. Où sont-ils donc passés en huit ans tous ces aficionados émerveillés, au point qu'un Ray "rempli" de 10 000 pékins nous ait paru revivre dimanche, lors d'un Nice-Bordeaux autrement plus déterminant ? A oui, j'oubliais Vannes, j'oubliais une fin de saison 2008-2009 en forme de démission indigne, j'oubliais le plantage de la saison dernière, j'oubliais peut-être tout simplement qu'un bel enthousiasme est comme un grand amour, qu'il ne dure parfois pas toujours. Et enfin, comment ne pas remarquer que depuis on a défiguré le Ray par une profanation sans nom ? Qu'on a essayé de lui retirer son sang, sa sève, son âme, en frappant lâchement ceux qui, dans leur combat quotidien, ont tant fait pour que le Gym redevienne ce qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être, ce club à nul autre pareil, orgueilleux, fier et noble. Nul n'est alors besoin de préciser vers qui vont nos pensées les plus nostalgiques et combien il est triste de rentrer dans un Ray dont la Populaire n'arbore plus le nom de ceux qui ont fait de ce stade un des terrains les plus inhospitaliers de France. Et, oui, huit ans ont passé, une petite éternité, et le Gym a changé.

 

Alors, que ce passe-t-il aujourd'hui ? Certes, le Gym peine à reconquérir son public, à retrouver son âme ; au Gym il manque encore un Cobos sur le terrain, mais cette équipe à tout de même déjà son Sablé, son Civelli, son Faé, un groupe qui se bat, ne lâche rien, tout en sueur en sang et en larmes, un trio d'entraîneurs qui ont tous porté les rayures légendaires de la tenue rouge et noire. Certes, les couloirs bruissent encore de rumeurs, mais le Gym réapprend à recruter malin, le Gym ne fait plus de promesses qu'il sait ne pas pouvoir tenir, sur trois ans, sur dix ans ou en "pointures", l'Europe ne lui ferait même, parait-il, plus peur du tout ! le Gym est sur le bon chemin, sûrement !

 

Alors, le Gym, c'est reparti ?