Les Aiglons volent de crise en crise depuis plusieurs années, et ce ne sont pas les bonnes saisons de l'OGC Nice qui y changent grand-chose. Récit des aventures d'un club qui ne défait rien comme les autres.
 L’OGC Nice est décidément un club à part. Pour sa sixième saison d’affilée dans l’élite, la plus accomplie depuis bien longtemps, on pourrait se dire que le Gym est définitivement stabilisé. Las! De luttes intestines, secrètes lorsque tout va bien, en magouilles politico-financières pour l’obtention d’un nouveau stade en passant par des ventes ratées et des querelles judiciaires, les joueurs et le staff technique portent sur leurs épaules la réussite d’un club dont l’amateurisme frise parfois le ridicule.


 
 
 Des infrastructures déficientes
 
En 2004, l’affaire Vialatte (lire ci-dessous) enterre le seul projet de stade sur lequel supporters, dirigeants et politiciens avaient réussi à s’accorder. Depuis, le Gym tente d’obtenir enfin un "outil digne de ce nom", selon les mots du président Cohen. Une telle enceinte devant selon le dirigeant permettre augmentations de budget, meilleure attractivité vis-à-vis des joueurs, rentrées d’argents plus régulières – voire de "jouer l’Europe dans trois ans", ce grand serpent de mer des promesses présidentielles. Mais les dossiers n’avancent pas. Pire, le centre d’entraînement reste digne d’un club de National – ainsi les portes du vestiaire ont-elles été fracturées durant l’entraînement cette saison, pour un butin très élevé parmi les possessions des joueurs.
 
 Pourtant, les comptes du club sont au vert. Le gros travail à mettre au crédit du président Cohen aura en effet été l’assainissement des finances, à un tel point que chaque passage devant la DNCG ne suscite plus aucune crainte chez les supporters – bel exploit pour un club abonné aux relégations administratives et autres interdictions de recruter dans les années précédentes. Mieux, la valorisation de certains joueurs aurait dû permettre au club d’investir de manière pérenne et raisonnée. Las, encore. Les cagnottes accumulées par la vente de joueurs et par les primes de classement auront uniquement servi à augmenter la masse salariale ou à financer des transferts discutables (Moussilou, Bamogo), et à payer la clause de retour à meilleure fortune arrachée par l’ancien propriétaire lors de la vente du club en 2002. Encore plus fort: quand le directeur sportif propose d’utiliser une partie du transfert d’Ederson pour construire un centre d’entraînement digne de ce nom, les actionnaires refusent. En vue de se servir des dividendes?

 

Le combat des chefs
 
Dividendes que ne touchera pas Franck Giudicelli. L’ex-administrateur de l’OGC Nice, acteur marquant du putsch manqué en janvier 2007, aura revendu ses parts récemment à un très bon prix. D’aucuns, mauvais esprits, murmurent que c’est pour éviter toute poursuite après la plainte classée sans suite qu’il aura déposée concernant les transferts d’Ederson et de Moussilou. Du coup, il ne reste plus que deux actionnaires majoritaires au Gym. C’est un de trop, comme l’a montré l’épisode de la vraie-fausse démission du président Cohen. Les mêmes esprits chagrins pensent que l’objectif des actionnaires est de construire un nouveau stade au plus vite afin de revendre le club au plus offrant. Une vente aurait d’ailleurs failli être conclue l’été dernier, au bénéfice d’un certain Michel Leblanc, qui aurait amené de mystérieux capitaux étrangers pour investir dans le Gym. Des divisions entre les deux actionnaires principaux auraient empêché l’affaire (d’un montant de 15 millions d'euros) d’aller à son terme.
 
Ces divisions au plus haut niveau n’empêchent pas davantage les querelles entre l’association, propriétaire de la licence du club, et la SASP. Le torchon brûlait déjà depuis la remontée du Gym en L1, mais la saison précédente, les relations se sont encore détériorées. Ainsi, l’association déclenche en mars 2007 une procédure judiciaire contre Maurice Cohen pour détournement de fonds! La convention liant les deux parties sera finalement renouvelée, condition administrative pour que le Gym évolue en L1 – à condition d’assurer son maintien sur le terrain. Celui-ci sera finalement acquis après la très importante victoire (1-0) sur le PSG, avec Frédéric Antonetti aux commandes et malgré sa pseudo-éviction du mois de janvier.

 

Un putsch raté
 
En effet, en janvier 2007, après une énième défaite à domicile face à Toulouse – où le néant absolu en termes de jeu avait été atteint – le président Cohen annonce son licenciement et son remplacement par Franck Giudicelli. Dans le même temps, José Cobos, joueur emblématique de la période 2000-2006 et entraîneur-adjoint, est contacté pour assurer la responsabilité de l’équipe première, juste avant le match à Lyon. Les résultats catastrophiques du club permettent alors aux dissensions entre actionnaires d’éclater au grand jour. Un renversement d’alliance inopiné s’opérera dans l’actionnariat, permettant le maintien de Cohen et d’Antonetti, ainsi que l’éviction de Cobos, coupable d’un manque de loyauté aux yeux du technicien corse. À la suite de cela, Franck Giudicelli commandera un audit pour éclaircir les circonstances très douteuses du transfert de Matt Moussilou à Nice. S’ensuivront plusieurs manœuvres pour empêcher la bonne tenue de l’audit et, finalement, un classement sans suite des investigations sur la légalité des transferts.
 
Aujourd’hui, le club ne peut compter que sur le sportif pour sa survie et son développement. La saison 2007-2008 aurait pu être l’occasion de frapper un grand coup: quatrième à la sortie du mois de janvier avec en perspective un calendrier plutôt facile à domicile, le club aurait pu en profiter pour accéder à l’Europe. Mais les dirigeants se montreront frileux, arguant qu’il étant trop tôt pour le club, et que l’UEFA faisait perdre plus d’argent qu’elle n’en rapportait. Sans aller jusqu’à dire que ceci fut la cause de la série catastrophique de matches à domicile (défaites contre Marseille, Auxerre, Lorient, Monaco), ces déclarations sont symptomatiques d’une certaine politique du club.
 
Le Gym disposera sans doute d’une manne appréciable avec le transfert d’Ederson à Lyon, et les probables départs de Lloris, Koné, Balmont, Apam ou Kanté. Pour les remplacer, Oruma et Mouloungui, notamment, seraient pressentis – ce qui fait courir quelques frissons dans le dos des supporters les plus optimistes: l’ombre de Matt Moussilou plane encore sur le Ray.
 Le président Cohen le répète à l’envi: sans nouveau stade, il sera difficile à Nice d’être performant sur le marché des transferts. Nul doute qu’en cas de recrutement raté et de saison difficile, les requins se disputeront les morceaux de l’aiglon.

 

La vie de l'OGC Nice depuis 2002

2002. L’OGC Nice a acquis chèrement le droit de monter en première division en terminant troisième du championnat de L2. Le club est pourtant relégué en National par la DNCG avec perte du statut professionnel, malgré un dossier convaincant. Le Gym sera finalement sauvé après un appel devant le CNOSF et une réintégration en L1 par la FFF deux semaines avant le début du championnat, au détriment du FC Metz, définitivement rétrogradé en L2. Gernot Rohr, jusqu’alors en charge du recrutement, prend la tête de l’équipe première. Maurice Cohen est nommé président de l’OGC Nice.
 
2004. Le choix du site du Ray pour le futur grand stade de Nice est entériné. Le projet ne démarrera jamais, sinon sur le terrain judiciaire, puisque Michel Vialatte (ancien directeur général des services de Nice,) sera accusé de détournements de fonds publics, notamment pour le marché public du futur stade.
 
Avril 2005. Alors que l'équipe navigue aux confins de la relégation, Rohr est remercié et remplacé par Gérard Buscher pour un intérim de quatre matches, tandis que Frédéric Antonetti attend la place dans l’ombre.
 
Décembre 2005. La mairie de Nice choisit l’entreprise Cari-Spada dans le cadre d’une délégation de service public pour construire et exploiter un nouveau stade à Saint-Isidore, à côté de Nice. Le projet et l’emplacement sont contestés, mais une consultation publique douteuse plébiscitera le choix du maire.
 
Avril 2006. Le club joue, rate et perd la finale de la Coupe de la Ligue contre Nancy. Ce n’est jamais que la deuxième fois que le Chardon écrase l’Aiglon dans une finale…
 
Août 2006. Le tribunal administratif, saisi par le préfet, suspend les travaux du grand stade pour des irrégularités dans la délégation de service public entre la Ville et la société Cari-Spada.
 
Avril 2007. Le Gym sauve de justesse sa place dans l’élite, grâce à une formidable seconde partie de saison et le retour gagnant au club de Lilian Laslandes.
 
Mai 2008. La Mairie de Nice, sous l’impulsion du nouveau maire (Christian Estrosi) et du nouvel adjoint aux Sports, va présenter un troisième projet de grand stade.