Pancho Abardonado a accordé une interview super sympa à l'Equipe. Que de souvenirs!


« Le joueur qui a compté au début ?


Christophe Dugarry m’a pris sous son aile à l'OM. Pour mon premier match en pro, à Nancy(le 10 novembre 1998), je n’ai pas de maillot floqué à mon nom, juste le numéro 33. Assis à côté, il me sent malheureux. Il prend le maillot, il appelle Robert Nazarétian (un membre du staff), ils vont dans les toilettes et ressortent avec “Abardonado” marqué au feutre sur le maillot. Le match est sur Canal +, Michel Platini a capté : “Il n’était même pas prévu qu’il soit dans le groupe, regardez son nom !” Les lettres ABAR sont en grand, et après, comme mon nom est tellement long, c’est tassé, on voit à peine le dernier O ! Mais j’étais comme les autres, c’était un cadeau.


Le joueur le plus méchant ?


Cyril Rool. J’ai joué six mois avec lui à Marseille, puis trois saisons à Nice. Dans la vie de tous les jours, c'est un garçon extraordinaire, mais sur le terrain, oh la la… Un bipolaire. Même dans le couloir avant le match, il nous chambre, puis sur la pelouse, tu ne le reconnais plus. À l’OM, dans un petit jeu à l’entraînement, on est ensemble avec Piotr Swierczewski et lui, on a deux-trois buts de retard, il nous regarde en disant : “Oh Pancho, oh Piotr, on peut pas rester comme ça ! On va envoyer.” Ils ont commencé à sortir des tacles… Cyril n’a pas eu la carrière qu’il méritait. Il était fou, mais il avait une main à la place du pied gauche.

 

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Le joueur le plus fêtard ?


Lilian Laslandes. Quand on gagnait des grands matches, il organisait toujours une soirée sur Monaco, il réservait des restaurants chics. Une fois, on a fait un pari : s’il marque, il fait le décrassage tout nu. Eh bien il a couru à poil, juste avec ses bottes. À côté, Lilian était un grand pro, il claquait des buts, ne manquait pas un entraînement. Il m’a fait grandir sur le plan mental. Il faisait déjà son âge quand il est arrivé à Nice, et pourtant il courait 12-13 km par match. Il était monstrueux, on l’appelait “Casque d’or”. Chaque fois qu’on avait des soucis, on cherchait Lilian, on savait qu’il allait garder le ballon.


Le joueur que vous aimeriez bien revoir ?


Victor Agali. Très attachant, un tempérament exemplaire. Lors du fameux match Nice-Monaco (en octobre 2004), où on est menés 3-0, Agali prend le ballon dans le rond central et parle : “Calmez le jeu, tranquille.” On se regarde avec Cobos et on se dit : “Qu’est-ce qu’il raconte lui ? Il est fou ? ” Il a sonné la révolte. On a gagné 4-3, avec un triplé de Victor. Grand seigneur, dans la semaine, il a commandé un repas, des camions d’un traiteur de renom se pointent au centre d’entraînement, une table immense est dressée dans le vestiaire, elle fait 20 m de long, avec des langoustes de partout ! Cela a dû lui coûter un bras. On a célébré le derby et l’ambiance entre nous.


Le joueur qui a compté dans votre carrière ?


Sammy Traoré. Un artiste ! Dès le premier entraînement à Nice, Gernot Rohr nous le présente : “Je vous ai amené un défenseur, il fait plus de 2 m ! Il va prendre tous les ballons de la tête !” Il sort Traoré des vestiaires. Il propose un exercice où tu attaches le ballon avec une corde et tu le fais monter. Il le fait monter haut, on se dit : “Mais comment il va faire pour le toucher ?” Rohr est excité : “Vous allez voir la détente qu’il a.” Traoré dit : “Coach, il est un peu haut.” Rohr :“Saute Sammy, saute !” Il a sauté une quinzaine de fois, il n’a même pas effleuré le ballon.

 


Vous avez fait les quatre cents coups.


C’était un Parisien, moi un Marseillais, mais ç'a collé tout de suite. J’allais le chercher à l'hôtel le matin, j’attendais une demi-heure dans la voiture parce qu’il prenait son thé , son rituel… Il me disait : “Ne t’inquiète pas, je prends le volant, on ne sera pas en retard.” Il montait sur les ronds-points, grillait les feux rouges… J’ai fini par lui demander : “Mais tu as le permis ?” Et là, il m’a dit non, j’étais dans une colère ! Incorrigible... Un jour, avant une causerie, le coach Antonetti avait inscrit ses principes de jeu sur un paperboard. Sammy l’a vu. Il a tout réécrit. Et surtout, dans la compo, il s'est mis titulaire. Le coach a commencé à lire devant tout le vestiaire, il y avait marqué n’importe quoi, il a pourri son adjoint : “J’ai jamais écrit ça !” Bon, Sammy n’a pas débuté, mais il a amusé la galerie. Il y avait aussi ce membre du staff qui amenait une gonzesse à la mise au vert à l’hôtel, tous les samedis. Sammy me dit : “Viens, on va se cacher dans la chambre, sous le lit.” Je l’ai suivi bêtement, on a entendu le mec en plein rapport… »