Jean-Pierre Rivère s’est longuement confié dans les locaux de Nice-Matin, hier
Président, racontez-nous le feuilleton Hatem Ben Arfa...
Quand on acte le fait que Mario Balotelli reste une saison de plus, dans notre esprit, le mercato est terminé financièrement. Pourquoi ? Car, on a un cadre défini et Mario nous amène à la limite du cadre. Mes réflexes passés me poussent à me demander s’il n’y a pas une opportunité. On se dit : “Pourquoi pas Hatem ?” La première chose, c’est de consulter le coach, la cellule... Ensuite, on a approché Hatem. On était en fin de mercato, il y avait un espace...
Patrick Vieira le voulait ?
Oui, bien sûr, il est d’accord. Si ce n’est pas le cas, on ne se positionne pas.
Alors, pourquoi ça ne s’est pas fait ?
On sait qu’on n’a pas les mêmes moyens financiers que Rennes. On ne dispute pas de Coupe d’Europe, mais on tente le coup, malgré tout... Hatem n’est pas insensible à notre approche. Julien (Fournier) a longtemps discuté avec lui, j’ai eu son conseiller également. On a eu le même retour. Hatem n’en a pas fait une histoire d’argent, mais il nous a dit que si Rennes répondait favorablement à toutes ses demandes il aurait du mal à faire machine arrière.
Vous ne pouviez pas vous aligner sur la proposition salariale du Stade Rennais (plus de 300 000 euros par mois, selon certaines sources) ?
Ce n’est pas qu’une affaire d’argent. Hatem discutait depuis plusieurs mois avec Olivier Létang (le président, ndlr). Mais bon, on ne va pas refaire l’histoire. Respectons son choix, souhaitons lui le meilleur, sauf pour demain (lire aujourd’hui, ndlr).
Qu’ont apporté les actionnaires sino-américains ?
Ils ont injecté de la trésorerie, ce qui n’est jamais inutile. Nos actionnaires ont fixé un cadre financier strict. On doit le respecter et tenter de construire la meilleure équipe possible.
N’avez-vous pas été frileux sur ce mercato ?
Les dépenses augmentent (frais de fonctionnement du centre...), les recettes pas forcément. Dans une entreprise, il faut investir pour récupérer plus tard. Ce n’est jamais immédiat comme c’est le cas pour le centre. Le camp d’entraînement nous permet d’attirer des investisseurs, de bons entraîneurs et des joueurs. On a une gestion de bons pères de famille.
Mario Balotelli a-t-il été revalorisé ?
On l’a prolongé de deux saisons l’été dernier. Ça n’aurait pas été raisonnable de le faire signer deux saisons au même salaire. On avait prévu une baisse considérable s’il n’y avait pas de Coupe d’Europe au bout. Tout le monde a accepté ce deal car on pensait qu’il partirait sans l’Europe au bout. On n’a pas mis le club en danger en procédant de la sorte. Ce qui est vrai, en revanche, c’est qu’on l’a revalorisé sur le contrat qui aurait dû être le sien cette saison.
C’est d’égal à égal ?
Non, c’est moins. L’argent fait beaucoup de choses dans le football, mais ça ne fait pas tout. Marseille lui proposait sans doute un pont d’or, mais Mario est bien à Nice. On lui a donné un bon de sortie, c’est une réalité. Quand on a vu qu’avec Marseille ça ne se concrétisait pas, on s’est dit que c’était le moment de tenter quelque chose. Car trouver un attaquant de ce calibre, ça coûte extrêmement cher et c’est rare.
Vous pensez que l’OM le souhaitait vraiment ?
Vous ne faites pas une cour assidue pendant deux mois si vous ne voulez pas quelqu’un.
Le voir revenir en surpoids et deux semaines après la date de la reprise ne vous a pas chagriné ?
C’est dommage qu’il n’ait pas fait de préparation.
Lui avez-vous infligé une amende ?
C’est du domaine privé. Mais le club n’a pas l’habitude de traiter différemment ses joueurs. Mario s’est mis hors jeu tout seul.
Vous ne dépendez pas trop de lui ?
C’est un élément important, mais il fait partie d’un groupe en qui on a toute confiance. Mario va faire une grande saison. Parce qu’on va le mettre dans les meilleures dispositions. Et parce que c’est un grand joueur. Patrick Vieira va l’amener là où il doit l’amener. J’en suis persuadé.
Les relations avec l’Olympique de Marseille sont-elles toujours tendues ?
J’ai de bons rapports avec Jacques-Henri Eyraud. Et très sincèrement, il n’y a pas de guerre entre Nice et Marseille. L’épisode Balotelli ne laissera pas de trace. Ça fait partie de la vie des clubs de football. Les relations sont bonnes entre les deux clubs. J’ai rappelé Jacques-Henri Eyraud le lendemain de ma communication sur le 1,5 million pour lui dire que c’est la réalité. L’histoire est terminée.
A combien l’auriez-vous laissé partir ?
La presse a communiqué un chiffre de 10. Moi je vous dis que l’indemnité de transfert que nous avions convenu verbalement avec Mino Raiola était entre 4 et 5. Marseille a proposé 2,5. 2,5 jusqu’à 4, ça fait 1,5.
Quel rôle a joué Mino Raiola (l’agent de Balotelli) dans ce dossier ?
Il a été très correct parce qu’il a respecté sa parole. Il fait partie des gens atypiques. Il est comme il est. Il sait faire de l’argent, mais il est aussi capable de ne pas en faire. Il peut dire non à un deal. En ce qui me concerne, je n’ai pas à me plaindre de Mino Raiola. Et je passe toujours de bons moments avec lui.
Les supporters vous reprochent de ne pas avoir assez investi sur le marché des transferts...
On va prendre un exemple simple et connu puisque M’Gladbach a communiqué : Plea. Les négociations se sont ouvertes à 15 millions et après des semaines de négociations, on a signé à 23 millions. Il faut savoir qu’un club ne paye jamais cash. Il paye une partie lors de la transaction, mais le deal s’étale le plus souvent sur deux ou trois ans. Même chose à l’achat. De ces 23 millions d’euros bruts, il faut enlever la commission de l’agent, un intéressement du joueur, et la part de Lyon. C’est une pratique qui se fait couramment. À l’époque, on ne pouvait pas mettre deux ou trois millions sur un joueur, on avait proposé 750.000 euros et 20% de la plus-value future à l’OL. Sur un dossier comme Alassane, l’OGC Nice touche 16,5 M€ sur plusieurs années. Il y a eu des chiffres annoncés dans les journaux qui ne sont pas exacts. Exemple : les chiffres autour de la vente de Seri et Le Marchand sont totalement faux.
Qu’en est-il réellement de la balance achats-ventes ?
Le club a encaissé, en net, 42 millions. Nous avons dépensé 27 millions d’euros. Il y a un écart de 15 millions. Il faut savoir que dans un club de football, vous avez un poste recettes, un poste dépenses. Aujourd’hui, comme il n’y a pas de Coupe d’Europe, nous avons une perte de recettes importantes (17 millions). Nous avons baissé légèrement notre masse salariale. Et il y a un manque de recettes compensé par la vente de joueurs.
Il n’y a pas eu de dividendes versés aux actionnaires ?
Depuis que je suis au club, je n’ai pas de salaire. Et je n’ai jamais perçu un euro de dividende. Même chose pour les actionnaires. Eux peuvent demander des remboursements de comptes courants. A ce sujet, des discussions sont en cours, mais rien n’est finalisé. On va essayer de trouver des solutions. Une des solutions est de rechercher des actionnaires complémentaires. Mais c’est compliqué, ça peut prendre des années.
Vous avez songé à jeter l’éponge ?
Oui, vous le savez, j’ai failli partir. Avec Julien Fournier, on n’a qu’une seule préoccupation : pour nous, l’OGC Nice n’est pas une histoire d’argent. On se sent responsables de ce club, de son avenir. On va tout faire pour que tout se passe du mieux possible. Depuis 9 mois, on dépense beaucoup d’énergie à ce sujet.
Les critiques, c’est fatigant à la longue ?
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Cela fait maintenant 6 ans qu’on nous traite de Picsou. On avait un devoir : redresser ce club. On l’a fait. On a mis les fondations, on a un présent, une belle image, un bel avenir. On ne joue pas avec l’argent d’un club. On sait ce qu’on a fait et d’où on vient. Les gens ne réalisent pas... D’ailleurs, je remercie et je remercierai toujours les supporters fidèles. Ceux qui sont là dans tous les moments. Les bons comme les mauvais.
Comment jugez-vous votre début de saison ?
On fait un début de saison qui, au niveau comptable, est décevant, mais je ne suis pas inquiet pour la suite. Et l’état d’esprit que j’ai vu à Lyon me conforte dans ce sentiment. On a un très grand coach et un très bon groupe.
La défaite contre Dijon (0-4) à l’Allianz Riviera a fait mauvais effet...
Ce match est terrible, tout le monde l’a mal vécu. Mais j’ai une réelle confiance en ce staff, en notre entraîneur et en ce groupe. Je vous donne rendez-vous en fin de saison.
Le débat autour des gardiens ?
Yoan (Cardinale) a réalisé de bonnes saisons. Il nous approche la saison dernière avec son agent et souhaite une revalorisation salariale. On ne l’accepte pas. Il se retrouve sans contrat en juin. On a décidé de le prolonger et on ne le regrette pas. Quant à Walter Benitez, je ne vois pas ce qu’on peut lui reprocher. On a également Clémentia et Mouez Hassen, qu’on avait prévu de vendre, mais il s’est blessé lors de la Coupe du monde. Il va réintégrer l’effectif quand il sera remis. Je n’interviens jamais dans le sportif. C’est compliqué de trouver un gardien bien bien au dessus.
Kevin Trapp ?
C’est un très bon, mais il a un salaire trop élevé pour nous. On a renouvelé la confiance en nos gardiens.
Le mercato estival ?
Il a été effectué bien en amont, y compris avec Serge Recordier (parti à Monaco en juillet, ndlr). Tout le monde a validé Danilo pour remplacer Seri, Herelle pour Marlon, Myziane pour Plea... Quant à Atal, on ne voulait pas passer à côté de ce dossier. Il est inconnu au bataillon, il a fait deux saisons en D2 algérienne, six mois à Courtrai... Pour nous, ça a été une évidence. Arnaud (Souquet) était programmé pour partir.
Vous ne l’avez pas plutôt poussé vers la sortie ?
C’est un garçon charmant, qui a beaucoup progressé chez nous. Ses agents sont venus nous voir à l’automne pour une revalorisation très élevée (il venait d’être présélectionné en équipe de France). Nous ne pouvions pas lui donner ce qu’il demandait. Son agent nous a donc dit qu’il partirait. Ce qui a entraîné son remplacement.
Il y a de gros écarts de salaire au sein de votre effectif. Cela ne pose-t-il problème ?
Quand on signe un joueur, ce n’est jamais contraint et forcé. Il y a des déséquilibres de salaire mais ça se rattrape dans le temps si un garçon performe. C’est mécanique, on est obligé de fonctionner de la sorte. On a un club qui est sain financièrement. Il faut se rappeler d’où l’on vient.
Le départ de Serge Recordier (responsable du recrutement) à Monaco est-il un coup dur ?
Il a participé à toutes les recrues de ce mercato, même s’il est parti au mois de juillet, tout était fait. Ce sont des mois de travail en amont. Et il y a d’autres gens encore qui arriveront parce que cette cellule, on veut la faire grossir. Mais le départ de Serge, qui a été exemplaire et que je remercie, n’a pas du tout mis en dysfonctionnement la cellule de recrutement.
Avec l’Association, les tensions perdurent ?
Les tensions avec l’Association durent depuis des années. Je pense qu’un jour ça s’arrêtera. Il est important qu’on se rencontre rapidement et que l’on trouve une solution pour que cette situation ne perdure pas.
Vous avez récemment eu des contacts avec Claude Puel et Lucien Favre ?
Favre, je l’ai eu au téléphone, mais Claude je n’ai pas eu l’occasion. J’ai apprécié l’homme, j’ai apprécié l’entraîneur, on connaît l’histoire qui nous a brouillés. Mais si j’ai l’occasion de le voir, j’en serais ravi. Je trouve que c’est un coach qui a fait énormément de bien à l’OGC Nice, il faut être respectueux de son énorme travail. Un coach est très important dans un club de football. Il faut avoir le feeling pour pouvoir travailler avec un entraîneur. Je n’ai aucun regret d’avoir fait venir Claude Puel et Lucien Favre, c’étaient des opportunités pour le club. Et je suis sûr que Patrick Vieira en est une aussi. Ce sont des “Monsieur +” par rapport à ce qu’est le club aujourd’hui.
Vieira semble le pari le plus risqué des trois au vu de son inexpérience ?
Ce n’est pas du tout un pari pour nous. Il a entraîné les jeunes, New-York City, il a un passé d’entraîneur. Il a une carrière de joueur qui peut lui être un peu utile... On l’a pris parce que nous pensons que c’est un très bon entraîneur