Avant de revenir à Lyon, où il a brillé la saison passée, le gardien de Nice savoure le chemin parcouru par l’adolescent timide qu’il était en Argentine.
NICE – En une saison, Walter Benitez est passé d’un statut incertain à Nice à celui de valeur sûre de la Ligue 1. S’il a été le joueur du Gym le plus constant, la saison dernière, le gardien de but ne s’est pas encore fait remarquer depuis août. Ses bonnes prestations laissent un peu plus indifférent, et son équipe a perdu de sa solidité : les Azuréens ont dû attendre la 12e journée (2-0 face à Reims), le 3 novembre, pour terminer une rencontre sans prendre de but. Un an plus tôt, cela leur était arrivé dès leur quatrième match. Ce jour-là, le 31 août 2018, Benitez débutait sa saison au Groupama Stadium. En état de grâce, l’Argentin avait repoussé une dizaine d’occasions lyonnaises. Les Niçois l’avaient emporté (1-0) et le gardien venait de gagner sa place.
« Le match à Lyon (1-0), la saison passée, semble avoir été décisif pour vous…
Ça a été un déclic qui a fait que les gens ont commencé à voir ou à considérer le travail que je faisais jusqu’ici au quotidien. Quand vous jouez contre une équipe comme Lyon ou Paris, l’ambiance n’est pas la même. Il y a plus de répercussion. Ç’a été un match clé, mais comme il y a en avait eu avant…
Après avoir été dans l’ombre lors de votre arrivée à Nice, en 2016, vous avez fait les deux tiers de la saison 2017-2018 comme titulaire, puis la présaison suivante comme numéro 1. Mais avant Lyon, c’est Yoan Cardinale qui joue les trois premiers matches de Championnat. Vous ne vous êtes pas dit que nous n’aviez pas le droit à l’erreur ?
Tout le monde me demande ça : “Tu étais conscient que, si ça se passait mal, c’était ta dernière chance ?” Je ne me suis jamais dit que c’était ma dernière chance. Je n’étais pas nerveux ou quoi que ce soit. J’avais simplement confiance en moi. Je savais que j’avais travaillé pour bien faire les choses. Jamais je n’ai pensé ou je ne pense à des idées négatives. J’imagine seulement ce qui peut m’arriver de mieux à moi et à l’équipe.
Est-il vrai qu’on vous appelle “le Muet”…
On m’appelait. Plus maintenant. (Il sourit.) C’était mon surnom quand j’ai quitté mes parents et ma petite ville, pour aller à Buenos Aires, où vivent 5 millions de personnes. J’avais 12 ou 13 ans. Ç’a été un bouleversement pour moi. Je ne parlais pas beaucoup, c’est sûr, donc on m’a donné ce surnom, mais il y a prescription.
Est-ce facile de montrer cette présence quand on n’est pas d’une nature expansive ?
Tu es obligé de la montrer. Tu dois commander, être attentif pour ne pas être surpris par les adversaires. C’est toujours important de montrer son expérience, d’où l’on vient et d’afficher sa personnalité. En Argentine, les gardiens sortent du même moule que les joueurs de champ : on parle, on transmet notre garra (griffe, en espagnol, que l’on peut traduire dans le sens de “hargne”), que ce soit en match ou à l’entraînement. La majorité des gardiens qui sont connus au niveau mondial le sont pour ça : pour la force qu’ils dégagent. Ils parlent, ils crient, ils organisent sans arrêt. J’essaie de transmettre ça sur le terrain comme dans le vestiaire, de montrer mon expérience aux plus jeunes. Surtout ici, où il y a beaucoup de joueurs d’à peine 20 ans.
Presque tous vos partenaires, en fait…
C’est vrai que j’ai 26 ans et qu’on dirait que je suis le plus vieux ! C’est aussi pour ça qu’on est obligé de parler.
Que vous manque-t-il pour être appelé en sélection argentine ?
(Ilrit.)Ça, il faut le demander au sélectionneur (Lionel Scaloni). J’essaie toujours de donner 100 % pour faire bien les choses dans mon club et porter ce maillot.
Vous avez des contacts avec lui ?
Avec le sélectionneur lui-même, non, mais avec des personnes proches de lui.
Vous avez exprimé votre déception sur Twitter (en écrivant le 27 septembre “sans commentaires...” alors que la liste venait de tomber). Vous n’avez pas redouté les conséquences…
Je ne critique personne. La décision du sélectionneur, je la respecte, évidemment. On peut avoir son opinion. C’est sûr qu’il y avait de la déception.
Lucas Ocampos n’avait jamais été international à Marseille. Il l’est devenu après avoir quitté la L 1 cet été pour le Séville FC. Cela vous donne-t-il des idées, alors que votre contrat s’achève en juin (Mino Raiola est désormais son agent) ?
C’est peut-être ça pour lui, ou le fait de jouer une Coupe d’Europe, ou celui d’être dans un club plus grand. Je ne sais pas pourquoi je ne vais pas en sélection, parce que Nice est un grand club, connu à l’étranger, qui a joué la Ligue Europa les années précédentes, et la Ligue 1 est très compétitive. Je ne sais pas trop ce qui me manque. Mais je respecte sa décision.
Pour vous, les joueurs, qu’a changé la venue d’Ineos à Nice ?
L’idée n’a pas changé et elle restera la même : essayer de donner le maximum pour amener Nice le plus haut possible. C’est très bien pour tout le monde qu’Ineos ait racheté le club. Ça va beaucoup valoriser le club et les gens qui y travaillent. C’est forcément très positif.
Sentez-vous une nouvelle ambition, voire une nouvelle pression ?
De l’ambition, oui. De la pression, je ne sais pas. C’est sûr qu’il y a de nouveaux objectifs. Mais, même si on en parle un peu plus, l’idée de jouer la Ligue Europa ou la Ligue des champions était déjà présente. On a tous envie de jouer la Ligue des champions ! C’est une pression, mais c’est une pression positive, pour nous donner encore plus envie de gagner. »