Roman des aiglons : Lucien Favre, une classe à part + vidéos

En deux saisons à l’OGC Nice, l’entraîneur suisse a marqué les esprits et ramené le club en Ligue des champions. Aujourd’hui à Dortmund, il reste très attaché au club rouge et noir


Encore aujourd’hui, Lucien Favre prend son téléphone pour appeler Nabil, l’intendant du club, Pascale, la secrétaire, Frédéric Gioria, son ancien adjoint, ou Julien Fournier, son ex-directeur. Il leur demande des nouvelles de la famille et, bien sûr, évoque l’OGC Nice, un club qui a marqué sa vie d’entraîneur. « Il y a un souvenir impérissable, comme une connexion avec le Gym, raconte Christophe Paillot, l’agent du technicien suisse. Il ne peut s’empêcher de me parler du club, de la ville, de la chaleur des gens, du bien-être qu’il ressentait dans la région. Il regarde encore beaucoup de matchs. Avec le temps, il ne reste que le bon… »

 

De 2016 à 2018, Favre pose ses valises dans une coquette maison à La Gaude, avec Chantal, son épouse, qui adorait la douceur de vivre sur la Côte d’Azur, qu’elle a quittée avec une forme de regret. Le couple fait ses courses à Saint-Jeannet, se balade dans les ruelles étroites du village et apprécie les bonnes tables du coin. Les enfants et les amis viennent régulièrement rendre visite. “Lulu” était un homme heureux au bord de la Grande Bleue, où il n’a pas abandonné l’idée d’acheter un pied-à-terre.

 

« Forçat de travail »


« Forçat de travail » pour Paillot, “Lulu” s’offre de rares plages de repos. Elles lui sont pourtant salvatrices car elles l’éloignent de son bureau, où il peut ingurgiter les sept derniers matchs du futur adversaire de l’OGC Nice et s’inquiéter de la force de percussion de Saint-Maximin, alors à Bastia. « Le souci du détail, de ne laisser aucune place au hasard et la recherche de la perfection, ce sont ses moteurs, avance son conseiller. Il est dévoué à son métier, corps et âme. » « L’arrivée de Lucien a été un vrai tournant pour le club, comme le fait d’avoir arrêté avec Claude (Puel) au bon moment, estime Julien Fournier. Cela a parfois été usant mais, humainement, c’est un mec en or, qui a gardé une vraie tendresse pour le club. C’est touchant… »

 

Des dizaines de rendez-vous en Suisse


Favre est un entraîneur libre quand les dirigeants niçois entament les premiers rendez-vous, en Suisse, dans le courant de l’année 2016. Il veut être au courant de tout, avoir un compte-rendu détaillé de l’ensemble de l’effectif et rencontrer la cellule de recrutement du club. Fournier se rend près d’une dizaine de fois chez lui. Dans une petite auberge, Favre commence à griffonner les noms de ses futurs joueurs sur son carnet, dessine des schémas de jeu, avec Ben Arfa à chaque fois, qu’il rencontre lors d’une réunion tenue secrète et souhaite plus que tout conserver dans son effectif. « Sans lui, je fais comment ? » lance-t-il à maintes reprises durant les négociations. Celles-ci seront longues mais Favre accepte finalement le challenge niçois, malgré un centre d’entraînement vétuste et les inondations dans les vestiaires. « Un choc quand tu arrives de Gladbach où tout est carré. Or, ce qui importe le plus à Lucien, c’est le terrain, estime son agent. Je félicite le président (Jean-Pierre Rivère) et Julien (Fournier) de l’avoir convaincu. Ce n’était pas gagné mais il avait très envie d’entraîner en France et retrouver sa langue maternelle. »

 

« Au début, on a un peu halluciné »


Dès les premiers entraînements, les joueurs adhèrent à la méthode novatrice d’un technicien qui les vouvoie, les fait jongler en fin d’entraînement ou est capable de poser ses affaires personnelles à même le sol pour encore échanger quelques passes avec des jeunes du centre juste avant de rejoindre sa voiture pour rentrer chez lui. « C’est vrai qu’au début, on a un peu halluciné, raconte Valentin Eysseric. On refaisait des gammes comme au centre mais, au final, tout le monde a progressé avec lui. En un mois, certains ne rataient plus une passe. »

 

Favre ne crie pratiquement jamais, applaudit différemment des autres, ce qui lui vaut d’être chambré par ses joueurs. A quelques minutes du coup d’envoi d’un match, il est capable de dire à l’un d’eux que sa nouvelle de coupe de cheveux lui va très bien ou de parler fromage et bonnes bouteilles avec un journaliste sur le bord du terrain. « En fait, on adorait entendre ses petites attentions à des moments où on ne s’y attendait absolument pas », poursuit Eysseric qui le compare « à un génie, parfois incompris ». « Tactiquement, c’est du très haut-niveau, appuie le milieu du Chievo Vérone, qui s’était imposé dans le onze en cours de saison. Il était très juste dans ses choix. Il m’a vraiment marqué. »

 

« Les joueurs l’adoraient pour sa pédagogie, appuie Franklin Mala, le conseiller de Mika Seri. Le football c’est comme les mathématiques, tu maîtrises plus ou moins facilement les principes selon la qualité du professeur. » Six mois après son départ, Eysseric recevra un coup de téléphone de son ancien entraîneur. « Je venais de finir l’entraînement et je vois “appel en absence Lucien Favre”. Je me dis qu’il a dû se tromper. Mais pas du tout en réalité… Il voulait avoir mon ressenti sur l’association Plea-Balotelli-Saint-Maximin. Au final, on a parlé football pendant trente minutes, c’était très enrichissant pour nous deux. »

 

Champion d’automne, il menace de ne pas revenir


Pour son unique expérience de coach en France, Favre porte l’OGC Nice, invaincu lors des onze premières journées, tout en haut de la Ligue 1. Son équipe régale, battra le Paris Saint-Germain 3-1 lors d’une soirée mémorable. Balotelli renaît, Seri rayonne, Cyprien se révèle, mais le technicien suisse ne se satisfait absolument pas du titre de champion d’automne. Il ne cesse de rappeler que son équipe est sur un fil, qu’elle dispose d’une réussite maximale et que tout peut s’écrouler du jour au lendemain. A la trêve hivernale, il annonce à Julien Fournier que « Nice va finir 10 e » car il n’a pas les éléments pour « mieux faire ». Il menace de rester en Suisse. Le “DG” lui raccroche au nez. « Il peut parfois être chiant mais c’est tout sauf un méchant », avance un ancien collaborateur.

 

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