Au bout d’un long chemin pavé de profonds différends, de silences pesants et de vérités qui ne se disent pas en public, s’ouvre aujourd’hui à Nice le procès de Christophe Galtier, jugé pour discrimination et harcèlement moral. L’affaire peut lui coûter trois ans de prison et 45 000 euros d’amende, mais elle a déjà cassé son image, au fil d’épisodes qui ont pris de plus en plus d’ampleur médiatique.

L’histoire est née lentement, au cours de la saison 2021-2022, d’abord comme un murmure qui reflétait des tensions compliquées à définir, entre Galtier et Julien Fournier (directeur du football à l’OGCN de 2019 à 2022), allant de banales divergences sportives à des désaccords plus lourds qui restaient à l’état de rumeurs invérifiables. L’entraîneur et le directeur du football se disaient amis, en juin 2021, quand le premier a rejoint le second à l’OGC Nice, et une seule chose était avérée, un an plus tard : ils ne l’étaient plus du tout. Ce n’est pas la première fois qu’un techni- cien et un dirigeant se fâchent après une saison décevante, mais quelques mots de Fournier vont donner une autre dimension à ce qui deviendra bien plus qu’une querelle de personnes. En septembre 2022, il a quitté le Gym depuis deux mois quand il lâche sur RMC une petite phrase qui ne peut que faire grand bruit : « Si j’explique les vraies raisons pour les- quelles on s’est disputés, Christophe Galtier n’entrera plus dans un vestiaire, ni en France ni en Europe. » Fournier ne veut pas en dire plus, en public comme en privé, mais l’essentiel est fait : désormais entraîneur du Paris-SG, Galtier va vivre avec cette affaire qui se polarise alors autour de la conflictuelle gestion du ramadan, comme l’explique L’Équipe.

 

Plusieurs membres du staff et des joueurs entendus par les enquêteurs

 

Pour le reste, c’est déjà parole contre parole, beaucoup de propos rapportés et personne pour les assumer ou aborder des faits qui embarrassent l’OGC Nice, temple du silence sur le sujet. Le club préférerait attirer l’attention pour des raisons sportives et il se réjouit de briller en Ligue Europa Conférence, où son quart de finale l’oppose au FC Bâle le 13 avril 2023 (2-2). Ce match va pourtant passer au second plan car le journaliste indépendant Romain Molina révèle le 11 avril un mail qui va pousser la justice à s’intéresser aux faits. Il est signé Julien Fournier et il est adressé à Dave Brailsford, le directeur du sport d’Ineos, propriétaire de l’OGC Nice. Les actes qu’il fait re- monter sont graves, puisqu’il décrit un en- traîneur qui estime que l’équipe doit « tenir compte de la réalité de la ville », en n’accueillant pas autant « de noirs et de musul- mans ». Ces considérations polluent le fonctionnement du duo autour du recrutement, et Fournier écrit : « Il n’y avait aucun argument sportif, mais bien uniquement des arguments religieux ou de couleur de peau. » Peut-on donc parler de discrimination ? Galtier l’a toujours nié et c’est l’un des en- jeux du procès, nourri de l’enquête lancée par des perquisitions diligentées à l’OGC Nice dès le 14 avril 2023. Depuis cette date, des joueurs ont hésité à raconter publiquement leurs mauvaises expériences, des membres du staff ont été aussi tentés mais personne ne s’est livré, en dehors de quelques formules sibyllines. Dans ce contexte toujours aussi lourd, les déclarations ont été réservées aux enquêteurs et elles ont été révélées par L’Équipe le 5 décembre. Figure historique du Gym et adjoint de Galtier lors de sa saison niçoise, Frédéric Gioria a dit avoir été témoin de l’énervement du technicien quand il a appris l’arrivée en janvier 2022 de Billal Brahimi, ailier gauche franco-algérien. « Encore un musulman, j’en veux pas, on en a assez », aurait affirmé Galtier devant Gioria qui raconte d’au- tres propos racistes, contestés par l’intéressé : « Le pire, ce sont les Algériens. » Les exemples de dérapages, entendus di- rectement ou non, ont alimenté la défiance d’une partie de son vestiaire, et Hachim Ali Mbaé a cité une situation précise devant les enquêteurs. Parti depuis à Strasbourg, l’analyste vidéo a soutenu que, lors d’un match contre les Verts en septembre 2021, Galtier avait surnommé deux défenseurs stéphanois, Harold Moukoudi et Mickaël Nadé, les « deux King Kong ». L’entraîneur aura l’occa- sion aujourd’hui de revenir sur l’ensemble de ces allégations, avant de savoir si la sanction de la justice sera proportionnelle ou non à l’écho médiatique.

Le procès en live