Le jour où tout a commencé : un soir à Monaco.

J’avais bien assisté à quelques matchs durant les années de D2, notamment l’année de la remontée.

 

Je me rappelle la frappe de mule de Gemmrich contre Thonon (6-0) et la défaite de Saint Etienne à Montpellier, le même soir. Tout allait se jouer à Grenoble.

 

 

Le peuple niçois trépignait, se mobilisait. Ils seraient plus de 3.000 à monter dans un pays hostile tout acquis à la cause des verts. Au milieu d’eux, un petit groupe émergeait sous le nom de Kop Sud. Qu’est-ce que cette appellation pouvait bien vouloir dire ?

 

Encore trop jeune, je ne serais pas du voyage. Mais, ce soir-là, la radio tressautait dans ma chambre et quelle délivrance, quelle joie au coup de sifflet final. Radio Baie des Anges exultait, les niçois de Grenoble courraient dans tous les sens sur le terrain et parmi eux d’immenses drapeaux.

 

Anéanti par la soirée marécageuse de Colombe, désormais, place au plaisir : comme les autres, je savais que je serais la saison prochaine au Ray pour défier la D1.

 

Pendant ce temps-là, le fameux petit groupe poursuivait son chemin et, je ne le savais pas encore, s’était choisi un nom. Inspirés par les Ultras italiens (les années 80 sont les plus riches du mouvement Ultra), fréquentant régulièrement le Comunale de Turin (côté Juventino pour les uns, Granata pour les autres) ou les travées de San Siro, où le rouge et noir prenait son envol, ils décidèrent : ce serait BRIGADE SUD.

 

Le 3 septembre 1985, amené par un ami de mes parents (encore merci à toi Guy !), je prenais le train à Riquier pour… Monaco. Je ne comprenais pas grand-chose, mais je devinais bien une effervescence particulière sur ce quai, une atmosphère de défiance, voire de… déviance. Les « petits » niçois partaient envahir la Principauté et au milieu un truc underground, rock.

 

Les premiers chants (sur des airs venus d’Italie bien sûr) et les premiers tambours raisonnaient.

 

Je pris place en Tribune « E », face à la loge de Rainier. Du match, je me rappelle une domination monégasque sans partage, menée par Anziani, Amoros, Bellone, Genghini, Dib, Bijotat, Puel… et, l’ex petit prince du Ray.

 

Des tribunes, jusqu’à la 75ème minute, je n’ai pas de souvenir.

 

Il y avait bien un groupe, le fameux, qui s’était placé en tribune dite populaire, sans toit et offerte à tous les vents. Il chantait, gesticulait, criait son amour du Gym, mais sincèrement rien ne m’a vraiment marqué jusqu’à la 75ème minute.

 

En revanche, je revois parfaitement la frappe (moisie) de Marguerite prenant la direction du poteau de la cage défendue par Ettori, un poteau rentrant – comme on dit ; je revois bien le « nain » s’étirer, mais quand on mesure 1 m 65, on peut bien s’étirer, on ne peut jamais tout boucher… Et ainsi, une frappe anodine va me faire tomber amoureux du Gym, de ces gueux, qui conquirent le stade Louis II, fraîchement inauguré.

 

De ce moment là, je me rappelle de tout ! Des milliers de niçois debout, comme un seul homme, dressés dans leur fierté et qui pendant un quart d’heure ne vont cesser d’encourager le onze rouge et noir jusqu’à la fin… et ce fût long !

 

Le tambour frappait en populaire et les tribunes reprenaient sans fin un « ALLEZ NICE » permanent ; une vague sans cesse renouvelée sur le stade Louis II. Avec un public comme celui-là le Gym ne pouvait que gagner.

 

J’étais scotché et finalement ma seule préoccupation était que ces encouragements ne cessent pas. La pelouse, je m’en foutais. J’en voulais encore et encore. ALLEZ NICE !, ALLEZ NICE ! Puis, il y eut le retour en train… un train hilare : la ballade des gens heureux. Voilà c’était fait, je ne le savais pas encore, mais je ne pourrais plus jamais vivre un match de mon équipe de la même manière. Je devrais le faire en passionné, en « créateur », en me sentant acteur de celui-ci, un élément « indispensable » à la victoire, bref : en Ultra !

 

Cette improbable victoire chez le frère ennemi monégasque fût certainement aussi un moment clé pour les Ultras niçois qui comprirent que les cousins italiens avaient raison : pousser avec imagination, exubérance, ferveur, ses favoris, intimider l’adversaire à coup de chorégraphies, de fumigènes, de pétards, d’insultes aidait à gagner. La victoire acquise, nous étions récompensés, car, en protagonistes du match, nous étions aussi victorieux et cela procure des émotions intenses.

 

Il ne faut pas se le cacher pour l’Ultra, dans son « activité », il y a bien la recherche d’un orgasme, certes symbolique (encore que rien ne dise que), mais bel et bien aussi intense.

 

C’est bien pour cela, qu’un échec du Gym, une défaite cinglante ou amère provoque des tourments inverses à l’orgasme « footballistique » d’une victoire dans un derby par exemple.

 

Une rougne de week-end que vos proches vous évitent comme la peste. Rien ne peut atténuer la tristesse, la déception, si ce n’est le temps et l’espoir du prochain match.

 

J’étais entré en religion du Gym ; mais parmi les « courants » religieux, je serais Ultra pratiquant, d’une certaine manière un « intégriste ». Parce que comme l’appellation le dit bien, être Ultra s’est être extrême !

 

PS : Au fait, au match retour, Mège clouera le bec aux munegu qui avaient fièrement déployé, dans « nos » secondes, une banderole arrogante : « promis à 9, on s’arrête ». L’ASM venait d’étriller Bordeaux sur ce score : un certain Rohr y avait passé sa pire soirée de stoppeur. Il n’y avait donc pas de raison que les munegu n’écrasent pas les peigne-culs de nissart (Comme quoi, décidemment, le supporter monégasque ne retient jamais les leçons du passé : ce soir c’est la coupe d’Europe…).

 

A lire : une saison de Vérone, Tim Parks, Christian Bourgois éditeur