Ca y est, nous y sommes. Comme en 1990, comme en 1997, comme en 2004, comme en 2006. Au bord du gouffre. La trouille, le sentiment de gâchis. Encore une piqûre de rappel, pour que l'on n'oublie pas qu'au fond, depuis Léo Lagrange, rien n'a jamais été construit dans ce club, rien n'avance jamais d'un iota, et qu'à la première tempête venue, le bateau menace de couler, corps et âmes.
Après chaque remontée miraculeuse, après chaque sauvetage in extremis, on se dit "plus jamais ça", "que cela nous serve de leçon". Et bien, rien à faire, à chaque fois, on oublie, on se reprend à espérer, et ça repart comme en 14… Jusqu'à la prochaine catastrophe (annoncée), jusqu'à ce que le prochain ouragan ne transforme notre Gym en Reims ou pire, en Toulon. Nice en national, en CFA 2, est-ce possible, concevable ? À bien y réfléchir… Oui ! Car de quelle planche de salut le club disposerait-il pour faire face à une spirale négative, lui qui n'est propriétaire que de quelques mètres carrés de bureaux, qui ne peut s'appuyer sur une école de football performante, lui qui ne peut compter sur aucun mécène, sur aucun groupe financier ou industriel régional à la fibre footballistique nissarde prêt à le soutenir, lui qui ne peut au contraire que s'en remettre à quelques amateurs dont la réelle bonne volonté reste d'ailleurs à démontrer et dont les qualités managériales sont encore à prouver… ? Quant au grand stade, pitié, nous en reparlerons lorsque l'on aura pu y poser le fondement. Au fond, des PME comme le Gym, il en coule tous les jours.
Alors oui, à force de se dire qu'on a de la marge, qu'on vaut mieux que les uns ou que les autres, qu'un scénario à la Auxerre ne se reproduira pas à tous les matchs (Auxerre, Valenciennes, Nancy, c'est la loi des séries), et bien nous y sommes bel et bien : au bord du vide. Il a suffi d'une minute de trop face au Nancy du toujours très rusé Correa. Un bloc inesthétique et puissant qui vous harcèle tout le match et sort à 200 à l'heure vous planter une banderille, démenti obscène de l'axiome fallacieux selon lequel le jeu entraîne la victoire, une équipe laide à souhait, une équipe pour laquelle au final on signerait aujourd'hui volontiers. Nancéens bouchers ? Certes, mais des bouchers qui ne cherchent pas à pét… plus au que leur c… avec quelque pseudo vedette et qui, depuis leur retour parmi l'élite ont connu sans faire de bruit plus de joie que de peine, ne serait-ce qu'un soir de 2006 où la malice des uns avait triomphé de la suffisance des autres. Belle leçon de pragmatisme. Et pendant ce temps, à Nancy on construit un nouveau nouveau stade…
Et oui, parce que plus les clubs français avancent, se structurent, investissent dans la formation, dans des stades ou des centres d'entraînement modernes, plus notre Gym, fatalement, mécaniquement, s'enfonce du simple fait de son immobilisme et de l'impéritie de gestions municipales dont on ne peut guère affirmer qu'elles resteront dans les mémoires. Au fait, ne va-t-on pas encore inaugurer une superbe enceinte moderne… au Mans ?
Vous voyez où je veux en venir ! Le Mans, son stade champêtre, son public sympathique où l'on applaudit les supporters et l'équipe adverse (j'ai testé pour vous !), ses rillettes… Mais aussi sa cathédrale, sa course automobile qui fait de la capitale de la Sarthe l'égale d'Indianapolis ou de Monaco (excusez du peu !), son équipe de basket et… son club de football qui peu à peu fait son trou au sein du paysage footballistique français. Le Mans, une ville qui commence désagréablement à obséder plus d'un Niçois. Le Mans, son match en retard (contre Bordeaux, ouf !), et ses cinq petits points d'avance, qui hélas ne pourraient plus faire que deux samedi soir. Deux petits points, une misère de misère. La certitude d'une fin de saison à la vie à la mort, d'une véritable tragédie. Le cauchemar du supporter. Allez, on se calme. C'est vrai que Léon Bollée, ce n’est pas à proprement parler le jardin du Gym. En L1 ou en L2, on n'y a à peu près que d'exécrables souvenirs. Mais les matchs à la vie à la mort contre ces sacrés Manceaux on en a déjà vécu un. Rappelez-vous, un soir de printemps, c'était en 2001, un Ray en ébullition, le match pour la troisième place, l'ultime et précieux sésame pour le paradis. Une finale avant la lettre. Un Gym, fou-fou, complètement imprévisible, qui aime à se faire peur comme contre Créteil, qui est capable de perdre un match sans voir sa surface de réparation foulée par un seul attaquant (Châteauroux aussi ce n'est pas que du très bon souvenir !), mais qui s'est aussi fait, comme contre Strasbourg, une spécialité des fins de matchs miraculeuses. Un Gym tonique, vif, emmené par des Tamazout ou des Pitau, recrutés par celui qui sera notre Correa mais n'était encore que notre directeur sportif, coaché par un italien inconnu. En face le Mans. Ne riez pas, Le Mans à cette époque c'était des Cousin et des Drogba. La L2 a connu pire.
D'ailleurs, à quatre minutes de la fin, les Manceaux en avaient déjà planté deux contre un seul pour nous. Et nous n'étions pas à la fête. Et puis, soudain, parce que - et je suis sûr que même Correa le sait bien ! - le talent finit souvent par faire la différence, Pablito Rodriguez, qui avait erré comme une âme en peine sur la pelouse pendant 86 minutes, décida d'expédier de 25 mètres une mine flottante dans la lucarne des Méchants ! Bing ! Et re-bing lorsque, porté par une nouvelle vague niçoise déchaînée, un jeune joueur prometteur qui n'aura pas la carrière à laquelle son immense talent semblait le destiner, Malek Cherrad, propulsa le cuir, dans une forêt de jaunes, au fond des filets. A peine étions-nous remis de nos émotions qu'un bougre en jaune venait se présenter seul devant un Padovani particulièrement peu rassurant ce soir là, mais qui nous sortit dans la dernière minute du match, l'arrêt de sa vie. Extase.
C'était il y a huit ans. Et aujourd'hui, les Rillettes et les Aiglons vont à nouveau en découdre pour savoir qui aura le droit de jouer en L1 l'an prochain. Car nous en sommes bien là. D'un côté comme de l'autre, nul ne doute que le vainqueur du soir prendra une option décisive sur l'avenir. Alors, qui accueillera Arles-Avignon et qui accueillera Marseille l'an prochain ?
Le Gym de 2010 sera-t-il fidèle à la légende de celui de 1991 qui avait sauvé sa tête, pourtant déjà à moitié sectionnée l'hiver venu, par un printemps en boulet de canon, ou fera-t-il comme en 1997 où le retour des beaux jours le vit couler définitivement ?
Le Gym d'aujourd'hui ressemble davantage à celui de 1990 qui avait pulvérisé Strasbourg en barrages, qu'à celui du brave président Bois qui avait sombré dans le ridicule. Les Faé, Rémy, Civelli, Ospina, Ben Saada et consort nous font davantage penser aux Langers, Bocandé, Djelmas et El Haddaoui qu'aux valeureux - et eternels puisqu'ils ont, eux, inscrit une ligne au palmarès - Gioria, Fugen, salimi, ou qu'au pathétique Rubenilson, dont le principal fait d'armes restera associé à un four à socca à Saint Martin Vésubie (tous aux archives de Nice-Matin !).
Mais à bien y regarder aussi, ce Gym qui bouscula Monaco, Bordeaux et atomisa le Strasbourg de Djorkaeff et de l'inénarrable Sylvain Sansone (un tour !) avait fini par mettre toutes les chances de son côté et par faire venir à son chevet celui qui allait devenir le plus grand entraîneur d'Amérique latine après avoir été le second meilleur buteur du championnat de France, un certain Carlos Bianchi. Et puis, on pensera ce que l'on veut de M. Innocentini dont la gestion finit dans le mur, mais il aimait le Gym et se battait pour lui. Suivez mon regard !
Alors, Le Mans ou Nice ? Ce sera le match de la peur, la peur du vide.