Fabrice Abriel et la bataille de la mer de Sardaigne.

Nous sommes aux alentours de l'an 540 avant J.-C. En mer tyrrhénienne. Le mot "tyrrhénien" provient du grec Turrénos, désignant les Étrusques, peuple mystérieux qui a aussi donné son nom à la Toscane (Tusci en latin). Bon, je vous vois venir, premiers bâillements, vous avez les paupières lourdes, le Prof va nous faire son cours, rapprochons-nous de la fenêtre et profitons-en pour graver "OM on t'enc..." à la pointe du compas sur le pupitre.

 



- Hep là, au fond ! Vous croyez que je vous ai pas vu ???!!! Vous feriez mieux d'écouter, parce que je suis sûr que la suite de la leçon du jour va vous intéresser fortement. Et s'il y en a un qui l'ouvre il me copiera 200 fois "j'aime Valbuena et j'adore Gignac" pour lundi.


Bon, on est donc à l'époque où Athènes attend encore Périclès, Rome est une monarchie aux mains d'un conquérant étrusque nommé Tarquin le Superbe, Carthage pousse doucement. Bref, rien de passionnant me direz-vous. Justement, vous vous trompez ! Le commerce c'est des accords (façon OMC), mais c'est aussi, au final, la guerre (14-18, si vous voyez ce que je veux dire). En 600 avant J.-C., les Grecs d'Asie Mineure, venus de la cité de Phocée, ont fondé une cité dans le midi de la France (oups, de la Gaule !), pas loin de l'embouchure du Rhône : Massalia (regain d'intérêt au fond de la classe !). Les Massaliotes (les Marseillais, si vous voulez) espèrent capter à eux le commerce méditerranéen des deux grands peuples marchands de la Tyrrhénienne, les Phéniciens (établis en Tunisie à Carthage) et les Étrusques, qui contrôlent le littoral italien de la Ligurie à la Campanie en passant par Rome, tout en médiatisant le commerce gaulois de la vallée du Rhône. Bref Marseille veut être première en Europe.


Pourtant, Marseille ne gagnera pas un match cette année-là. Car Étrusques et Phéniciens ne l'entendent pas ainsi. L'explication décisive a lieu au large de la Sardaigne, à en croire l'historien grec Hérodote. Pardon ? Non pas "il radote", Hé-ro-do-te ! (Comprennent rien au dernier rang !). Là, la flotte massaliote est envoyée par le fond. Leur capitaine Anigos ayant mal manœuvré, privé, il est vrai de Gignacos, son meilleur marin, et avec un Valbuenos qui préféra simuler une panne de sa trirème, en espérant que les Dieux le prennent en pitié et lui accordent la victoire. Poséidon jugea sans doute, au contraire, que se rouler par terre sur le pont d'un navire n'est guère digne d'un grand marin grec. En face, c'est le grand amiral des Étrusques Fabrth Abrielth qui mena la flotte alliée qui, grâce à une percée éperons en avant, au cœur du dispositif adverse, menée par Valth Esseyrith, détruisit les navires marseillais.


Ca y'est on s'agite de nouveau au dernier rang. Sans doute ne voyez-vous pas où je veux en venir... Connaissez-vous une cité antique nommée "Nikaia" ? Deux étymologies se disputent le toponyme. Nikaia, comme un nom de lieu répandu en milieu ligure, témoignant d'une origine indigène de l'établissement de la colline du Château, ou "Niké" la victoire, en grec, établissement grec, fondé vers le IVe s. av. J.-C. par les Grecs de Marseille. Bon, raisonnons un peu, comme l'ont fait récemment quelques chercheurs italiens. Pour qu'il y ait "victoire", il faut qu'il y ait bataille. Bataille entre les Grecs fondant Nikaia et les Ligures, chassés du littoral par les hoplites grecs... ? Non, impossible, c'est par l'alliance que les Grecs s'établissent en milieu étranger. JAMAIS par la conquête. Si l'on cherche une bataille, il y en a bien une, celle dont Hérodote nous parle, la bataille de la mer de Sardaigne dont nous parlions plus haut. Vous allez me dire, mais c'est une défaite des Grecs de Marseille, pas une victoire ! Je répondrais avec quelques collègues italiens : qui vous dit que le nom de "Nikaia" a été donné au promontoire du Château par des Grecs ? Hypothèse : la domination étrusque le long du littoral ligure s'étendait jusqu'à un fleuve frontière avec la zone de domination massaliote : le Var. Pour commémorer leur victoire, les étrusques nommèrent cette hauteur "Nikaia", en Grec, sorte de langue internationale de l'époque, histoire de bien narguer le vaincu marseillais dont le territoire s'étendait juste en face (où ils établiront d'ailleurs Anti-Polis : la "cité d'en face"). Là, nos étrusques vainqueurs établirent peut-être un point de contrôle, un comptoir, une garnison.



Avant d'être grecque, Nice fut peut-être bien étrusque ! Nous, Niçois, sommes nés d'une victoire écrasante contre Marseille (et les Massaliotes, profitant de l'effondrement de la civilisation étrusque, qui prirent pied 200 ans plus tard à Nikaia se gardèrent bien d'en changer le nom, espérant s'approprier avec lui et a posteriori la victoire) !

 



Je ne sais pas pourquoi aujourd'hui, particulièrement, j'avais envie de vous faire part de cette hypothèse scientifique, qui, pour une raison que j'analyse parfaitement, a tout à fait mon soutien, mon assentiment, ma bénédiction !


Interrogation écrite demain 8h !

 



La semaine prochaine, le cours portera sur la manière dont les Étrusques contrôlèrent le littoral corse d'Aléria, à quelques kilomètres au Sud du village de Furiani. Dans deux semaines, nous nous pencherons sur le Cratère de Vix, chef d'œuvre de l'art étrusque retrouvé à Châtillon sur Seine, c'est-à-dire, à quelques encablures de... Paris !