Super Mario, dur à marier

Le feuilleton du transfert de Mario Balotelli, de Nice vers Marseille, est une succession de rebondissements dont l’issue, après deux mois de négociations, semble toujours incertaine.

 


MARSEILLE ET NICE - Tout a commencé par un mensonge, il y a quatre mois, et ce n’était pas un malentendu. Début mars, l’agent de Mario Balotelli, Mino Raiola, lâchait cette bombe au micro de la RAI. « Mario vaut 100 M€ mais cet été il sera libre. Ce sera une sacrée affaire. J’ai déjà parlé avec la Juventus, la Roma, Naples et l’Inter. » Non, Mario Balotelli n’était pas libre, comme l’affirmaient – sans forcément qu’on les croie – les dirigeants niçois, stupéfaits par l’aplomb de Raiola. Super Mario doit une année de contrat au Gym, où il est réapparu à l’entraînement le 17 juillet, avec quinze jours de retard. Pour connaître précisément sa situation contractuelle, Alexandre Mialhe, le directeur juridique de l’OM, avait contacté l’OGC Nice, début juin. C’est le point de départ d’un transfert qui n’en finit plus d’être à l’arrêt, soumis aux exigences de Raiola, désigné comme le facteur X de ce dossier par les dirigeants marseillais, mais également freiné par ces derniers, lesquels n’ont toujours pas transmis la moindre offre à Nice.

« C’est pourtant un transfert très simple, confiait hier un dirigeant du Gym. On a dit à Mario et à son agent qu’il pouvait partir, il n’a qu’à choisir son club et on se mettra d’accord avec lui. Si Marseille le veut, il faut juste passer au guichet, et le guichet est à Nice. Sincèrement, je ne peux pas vous dire pourquoi Marseille ne nous a pas transmis d’offre. » De son côté, l'OM nous a précisé, hier soir, avoir fait deux offres. Le Gym réclamerait 10 M€ pour Balotelli, un prix raisonnable sur lequel il ne transigera pas. Raiola, lui, souhaite le meilleur contrat pour son joueur et une énorme commission pour sa pomme – on parle de plusieurs millions d’euros –, tout en continuant à sonder les grands clubs d’Europe au cas où. Et au milieu, il y a l’OM, soucieux de boucler l’opération sans déséquilibrer son économie ni mettre le feu à son vestiaire, car l’Italien ne deviendrait pas le plus gros salaire du club sans que Florian Thauvin ou Dimitri Payet n’en prennent ombrage. Mais les dirigeants olympiens n’auraient pas les moyens d’offrir en même temps un contrat digne de son efficacité à Balotelli, d’indemniser Nice et d’enrichir Raiola.

L’OM aimerait partager le montant de la commission de Raiola avec l’OGCN


Aux dernières nouvelles, ils se seraient entendus avec Balotelli, via Raiola, sur un contrat de trois ans, à un salaire mensuel élevé mais décent, et avouable à ses futurs partenaires. Sur l’affaire du contrat, l’OM a mis plusieurs propositions sur la table, allant du court au long terme, et se dit assez flexible. Il le serait nettement moins sur la commission de son agent, dont il aimerait pouvoir partager le montant avec l’OGC Nice. De plus en plus décrié à la Commanderie, où il est affublé de surnoms moqueurs, Raiola est-il l’unique frein à ce transfert ? La querelle d’ego qui semble opposer le président de Marseille, Jacques-Henri Eyraud, au directeur général de Nice, Julien Fournier, n’est-elle pas un autre obstacle, mesquin mais réel ? Depuis dix jours, Balotelli se refait une caisse physique avec les adjoints de Patrick Vieira, la meilleure façon pour lui de ne pas aller à la faute, de profiter des installations et du personnel, et de donner l’image d’un pro qui s’entretient. Mais toujours pas la moindre proposition de l’OM pour Super Mario.

« C’est un dossier original, pas normal dans le foot », constatait récemment Andoni Zubizarreta, le directeur sportif de l’OM. Anormalement fait de promesses, d’effets d’annonce, de coups de poker et de nondits. Ainsi, le 14 juin, Raiola avait prévenu l’OM qu’il passerait le lendemain au club, où l’effervescence était totale, la rumeur bruissait d’une arrivée de Mario Balotelli à l’hôtel Intercontinental, un établissement luxueux qui surplombe le Vieux-Port, mais il ne se passa rien. Quelques jours plus tard, Eyraud, le président marseillais, appelait Jean-Pierre Rivère, son homologue niçois, et lui assurait : « On va vous le laisser, il a l’air dur à gérer. » Il faudra attendre le 25 juin pour apercevoir Raiola à la Commanderie, en compagnie d’Alexandre Mialhe. Le soir même, l’OM affirmait vouloir boucler le dossier Balotelli, dans un sens ou dans un autre, avant le 1er juillet.

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Un mois plus tard, c’est le statu quo, sans la moindre offre. Pourtant, juillet a été riche en émotions. Voir Balotelli sécher la reprise de l’entraînement, à Nice le 2 juillet, fut comme l’annonce de son arrivée imminente pour les supporters marseillais. Et lors de la présentation du nouveau maillot de l’OM, deux jours plus tard, certains fans phocéens s’attendaient à le voir débarquer en bateau, vers le lieu des festivités, sur le Vieux-Port. Encore raté. Nouvel espoir et nouveau coup de froid lorsque Richard Teyssier, le directeur général de Puma, équipementier de l’OM et de Balotelli, repoussa l’hypothèse d’un coup de pouce de Puma pour le faire venir à Marseille. «Un transfert, c’est un joueur qui veut aller dans un club, un club qui fait une proposition et un agent qui est au milieu ; c’est assez compliqué comme ça », lâcha-t-il.

Le lendemain, las de voir Balotelli jouer avec leurs nerfs, un groupe de supporters niçois dénonça dans un communiqué l’attitude de l’Italien. L’arrivée surprise de « leur » avant-centre dans les locaux de l’OM va ressembler pour eux à un point de non-retour. C’était le 8 juillet, en début d’après-midi. Convié par Eyraud, l’Italien avait débarqué avec des amis et des proches de Raiola. Le président marseillais voulait s’assurer des intentions du joueur et lui parler directement. « On voulait voir s’il y avait une volonté commune et de la clarté », expliquait-on au club. Et si Raiola pouvait manipuler Balotelli, c’est ça ? La direction phocéenne demanda des précisions au buteur sur sa situation et son rapport à Nice, tout semblait dans les tuyaux. « Ce serait dans l’intérêt des trois parties que le dénouement soit rapide », confiait-on d’ailleurs à l’OM.

Mi-juillet, Marseille et Raiola discutaient encore et toujours, sans pouvoir décanter la situation. Et le 15, au stade Loujniki, à Moscou, jour de la finale de la Coupe du monde, le tête-à-tête était tendu entre Jacques-Henri Eyraud et un directeur de l’OGC Nice. « Vous avez rendu compliqué un dossier simple », dit le camp niçois. Eyraud s’agace et rétorque : « Je ne peux payer Balotelli que sur un an. Tant pis, on ne le fait pas. "

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Depuis sa prise de pouvoir à l’OM, Eyraud a Julien Fournier dans le viseur ; il est un ancien de l’OM, réputé pour sa rigueur, et la direction phocéenne redoute qu’il ne lui fasse aucun cadeau. « Nice est le pire club avec lequel on pouvait traiter », soupirait alors un proche de Jacques-Henri Eyraud. Ce que pense Fournier d’Eyraud, à l’inverse ? Il est pragmatique, avant tout. Le 16, en rentrant de Russie, c’est avec le président Rivère qu’Eyraud va reparler du dossier. Et le 17, nouvelle alerte Balotelli, autour de la Commanderie : Bastien Cordoléani, un supporter de l’OM, a repéré l’arrivée au centre d’entraînement d’un colis destiné à l’Italien. La photo est publiée sur Twitter, l’expéditeur n’est autre que le siège de la marque Puma, et le réseau social s’emballe. Rebelote le lendemain, lorsqu’une photo d’un paquet de flocages Balotelli aux couleurs de l’OM, a priori destiné à un magasin de sport, est postée sur Twitter. Marseille s’enflamme pour rien.

Puisque l’OM ne bouge toujours pas, et puisque Nice n’a toujours pas recruté d’avant-centre (Diaby-Fadiga, Ganago et Sacko se sont relayés au poste de n° 9 durant les matches de préparation et Le Bihan n’est pas apte), les dirigeants du Gym font désormais comme s’il pouvait rester, d’autant qu’ils ont perdu Alassane Plea, vendu à Mönchengladbach. S’il est encore là dans dix jours, il pourrait reprendre l’entraînement collectif avec Vieira, lequel n’y voit pas d’obstacle. Et s’il est encore là le 31 août, alors Nice lui proposera un nouveau contrat avec une nette revalorisation de son salaire, peut-être avant.

À certains partenaires du vestiaire niçois, Balotelli a récemment raconté qu’un intérêt récent du Paris-SG avait retardé son transfert à Marseille, et ça non plus, ce n’était pas vrai. C’est à se demander si l’Italien s’invente un destin ou croit tout ce qu’on lui raconte. Qu’il s’agisse de Marseille ou de Nice, son club sera soumis à un autre problème, inextricable celui-là, l’Italien sera suspendu pour les trois premières journées de Ligue 1.