Attendu avec une impatience non dissimulée à Marseille, l’attaquant italien restera finalement à Nice. L’OM semble décidément maudit sur le dossier du « grantatakan ».
MARSEILLE – Le dénouement est à la hauteur du feuilleton. Improbable, lunaire, surréaliste, incroyable, choisissez l’adjectif de votre choix pour qualifier une histoire qui accompagnera désormais les grandes légendes inabouties de l’OM, la non-signature de Diego Maradona à l’été 1989 ou le fantôme de Jardel à l’aéroport de Marignane à l’été 2001. A 22h32, hier, Nice a annoncé que Mario Balotelli disputerait une troisième saison en rouge et noir. Un coup de semonce, alors que beaucoup de supporters de l’OM, depuis la fermeture du marché italien vendredi, pensaient que leur rêve allait se concrétiser. La réaction de Rudi Garcia à une question sur Balotelli, lors de la conférence de presse précédant OM-Nîmes, était vue comme un simple bluff. « Pourquoi lui plutôt qu’un autre ? Pourquoi cette question ?, s’interrogeait Garcia. Vous en parlez, nous pas spécialement à l’intérieur du club. La priorité, ce n’est pas un avant-centre. Je suis ravi, et de Valère Germain, et de Kostas Mitroglou. »
L’entraîneur avait-il senti le vent tourner ? Il a mouillé la chemise sur le dossier, avec une ode à « Balo » dès le 31 mai, dans la Gazzetta dello Sport, avec cette phrase reflétant son ambition après une saison mémorable : « Si l'OM veut progresser, il doit viser et recruter des joueurs forts. » Régulièrement, et récemment encore, il s’est entretenu au téléphone avec un numéro 9 comme il les affectionne.
Hier soir, certains dirigeants de l’OM sont tombés de haut. « C’est ouffff, je ne comprends rien », soupire un cadre du club. Depuis le début du mois de juin, des proches de l’état-major racontent une arrivée imminente de Super Mario, désireux d’évoluer avec un club d’un grand standing comme l’OM. Andoni Zubizarreta, le directeur sportif, a rencontré Mino Raiola à plusieurs reprises, sur Paris et Monaco, pour préparer le terrain.
Puis le dossier commence à patiner, le premier ultimatum du président Jacques-Henri Eyraud, fixé au 30 juin, est allègrement piétiné, mais c’est Mario et Mino, sourit-on à l’OM. Guère discrète, la visite de Balotelli à la Commanderie le 8 juillet est un épisode déroutant. L’OM veut s’assurer qu’« il partage les valeurs du projet marseillais ». Valeurs ou non, Balotelli est une affaire en or sur le marché européen des buteurs, une star à prix modéré, sinon cassé.
Une guerre d'ego qui a duré plusieurs semaines
Le club marseillais va pourtant rechigner à payer l’indemnité de 5M€ réclamée par Nice, qui dispose d’un accord avec Raiola et Balotelli. Il fera deux offres, zéro puis 2,5M€ pour l’Italien, le tout assorti à chaque fois d’un prêt de Rémy Cabella avec option d’achat obligatoire à 5M€. Des propositions grotesques pour l’état-major niçois, qui planche sur une prolongation de contrat de Balo dès la mi-juillet. Entre les deux camps, une guerre d’ego fait rage depuis plusieurs semaines. Le bras de fer commence un jour de liesse, le 15 juillet, au stade Loujniki de Moscou. « Vous rendez compliqué un dossier très simple », assène Julien Fournier, le directeur général azuréen, à JHE, en présence de Jean-Pierre Rivère. « Si c’est ça, on ne le fait pas, on ne le fait pas », s’agace Eyraud.
Le dossier le tend, plus qu’il ne veut l’admettre. La saison dernière, le « grantatakan » a été le caillou dans sa chaussure, il s’est échiné, en vain, sur les pistes d’Olivier Giroud (alors à Arsenal), Vincent Aboubakar (Porto) ou Stevan Jovetic (alors au FC Séville). Il jure qu’on ne l’y reprendra plus, qu’il a retenu les leçons du passé. Avec Balotelli, une égérie du nouvel équipementier Puma, il peut faire oublier la panique de la fin août 2017 et la venue hasardeuse de Kostas Mitroglou. Hier soir, Nice, Mario et Mino ont brisé ce dessein.
Le 9 août, Frank McCourt, le propriétaire de l’OM, a vanté les mérites des cols bleus de l’OM et nous a confié : « Nous ne sommes pas attirés par ce qui brille. » Et pourtant, à Marseille plus qu’ailleurs, on est irrémédiablement attirés par les étoiles, et beaucoup de fadas auraient bien aimé briller avec le nom de Balotelli floqué sur leur maillot.
Deux mois d'escarmouches pour « Balo »
■ Début juin Alexandre Mialhe, directeur juridique de l’OM, appelle Nice pour connaître la situation contractuelle de Mario Balotelli.
■ 14 juin Mino Raiola, l’agent de l'Italien, prévient l’OM que le joueur passera le lendemain au club. La rumeur bruisse d’une arrivée de Balotelli à l’hôtel Intercontinental, mais rien ne se passe.
■ 25 juin Raiola est aperçu à la Commanderie. Le soir, l'OM affirme vouloir boucler le dossier, dans un sens ou dans l'autre, avant le 1er juillet.
■ 2 juillet Balotelli sèche la reprise de Nice. Il ne revient que le 17 juillet.
■ 8 juillet Convié par Eyraud, l’Italien arrive à la Commanderie avec des amis et des proches de Raiola. Le président du club veut s’assurer des intentions du joueur.
■ 15 juillet À Moscou, à l’occasion de la finale de la Coupe du monde, un tête-àtête tendu a lieu entre Eyraud et un responsable de Nice.
■ 16 juillet Eyraud et Rivère, le président niçois, échangent à nouveau à propos de l’attaquant.
■ 11 août Rivère ironise sur l’offre marseillaise : « Je n’ai pas de nouvelles, je ne sais pas ce que veut faire l’OM. Ils ont transmis une offre, mais qui était... je communiquerai les chiffres plus tard (rires). Voilà, on comprendra pourquoi on ne peut pas se mettre d’accord sur ce chiffre. »
■ 14 août Marseille, qui aurait formulé deux offres jugées insuffisantes pour Balotelli, se renseigne sur les conditions de départ de Simone Zaza, l'attaquant italien de Valence, pour lequel Nice a déjà fait une offre.
■ 20 août Nice annonce que Balotelli va rester au club.
Nice et « un autre club du sud de la France »
Peu après avoir publié un message sur Twitter avec une image de Mario Bros, le personnage de jeux vidéo, levant le poing, Nice a publié un communiqué aux alentours de 22 heures, hier : « Mario Balotelli sera niçois cette saison. Le club et son numéro 9 ont entériné qu’ils poursuivraient leur aventure commune en 2018-2019. La décision est prise. Mûrement réfléchie. Mario Balotelli a choisi de rester à l’OGC Nice. L’international italien (28 ans) a exprimé cette volonté auprès des dirigeants niçois. Il y aura bien une saison 3 à la série à succès. L’accord a été entériné par toutes les parties lundi soir. Suspendu lors des trois premières journées de Ligue 1, l’attaquant du Gym, auteur de 43 buts sous les couleurs rouge et noir depuis son arrivée, sera de nouveau qualifié à partir de la semaine prochaine et du déplacement à Lyon. Rendue quelque peu compliquée au début de l’été par un autre club du sud de la France, la situation est de retour à la normale. Simple, limpide. Comme une frappe de Super Mario. »