Tous avec lui

Très touchés par le grave accident de la route dont a été victime le milieu niçois Kévin Anin, ses coéquipiers, actuels ou passés, multiplient les marques de soutien.

 

«Bordel, je parle de lui à l'imparfait... » Cette méprise, inconsciente, cet ancien coéquipier de Kévin Anin a rapidement voulu la chasser, après plusieurs minutes à énumérer les qualités du milieu niçois. Comme on se débarrasse d'une mauvaise pensée. Les proches de celui qui, dans la nuit de lundi à mardi, a été victime d'un grave accident de la route en compagnie d'amis, près de Rouen, en sont là, brinquebalés par des sentiments ambigus. Inquiets et impuissants, avec leur seul optimisme forcé pour donner le change au diagnostic sombre qui entoure la santé du milieu de terrain de vingtsix ans, touché à la colonne vertébrale et qui pourrait rester paraplégique.

 

«Depuis que je l'ai appris, je suis abasourdi. D'un côté, je n'y crois pas et, de l'autre, il y a la dure réalité de la vie. Ça me touche énormément, explique le Bastiais Julien Sablé, qui a côtoyé le Havrais, la saison passée, sous le maillot niçois. On sait qu'il est dans un coma artificiel... C'est un effondrement total car personne ne mérite ça... C'est inqualifiable. »

 

Perquis: "Il n'a rien à voir avec la mentalité du footballeur classique"

 

Inqualifiable et «insoutenable» pour son entraîneur Claude Puel, actuellement à l'étranger : «C'est une chose difficile à appréhender. Que dire ? Peu de chose, sinon qu'on apporte notre soutien à Kévin et à ses proches. » «C'est dur, c'est un coup dur, ça fait ch... J'ai vécu une saison avec lui, c'est un super mec. J'espère qu'il va tenir le coup, on le lui souhaite », dit le Niçois Éric Bauthéac. Pour ses coéquipiers, actuels ou anciens, actuellement au soleil, mais depuis hier la tête un peu ailleurs, les vacances ont pris une autre tournure, angoissante.

 

Comme pour le défenseur sochalien David Sauget, parti en Turquie : «Ça m'a plombé. J'ai passé ma journée au téléphone à tenter d'avoir des informations. Je suis vraiment inquiet pour lui et sa famille. Je ne me sens pas bien, je suis tout retourné.» Car, si, depuis quelques saisons, l'ancien Sochalien (2010-janvier 2012) et sa nonchalance agacent parfois ses dirigeants, le garçon jouit d'une cote énorme dans le vestiaire. «C'est un mec en or, insiste le latéral doubiste. Kévin est capable de faire la route du Havre jusqu'à Sochaux juste parce que tu as un problème. J'aime ce genre de personnes : il est entier, honnête, il ne te trahira pas. » Entier, il l'est à l'extrême, loin des canons du football moderne, ne supportant ni son milieu ni l'injustice qui l'accompagne parfois. Cela fait de lui un personnage lunaire et un joueur brillant quand le moral suit, et un homme dépressif, comme ce fut le cas ces derniers mois à Nice, quand il ne parvient plus à faire face, incapable de couper le cordon avec son quartier populaire de Mont-Gaillard, au Havre, ses racines, ses attaches.

 

« Kévin n'a rien à voir avec la mentalité du footballeur classique, observe Damien Perquis, ex-Sochalien lui aussi. Il joue au foot, un peu parce qu'on l'a posé là. Et pourtant, c'est un des meilleurs numéros 6 de France. Il aurait pu faire une carrière extraordinaire, mais il s'en fout. »

 

Rivère: "Kévin est l'un des notres, le club sera là."

 

Aujourd'hui, cette carrière est plus que jamais entre parenthèses. Pour le président de l'OGC Nice, Jean-Pierre Rivère, l'aspect sportif devient complètement dérisoire : «La seule certitude, c'est que l'accident est grave et que les conséquences sur la vie de Kévin seront importantes. Nous sommes très touchés. Ce n'est pas sa carrière qui me préoccupe, c'est sa santé. L'objectif pour nous va être de l'aider le plus longtemps possible. Le club sera là. Kévin est l'un des nôtres. Nous sommes par ailleurs très touchés par le soutien témoigné par le monde du football. » Sur Twitter, les messages ont abondé.

 

En vacances, la L 1 est, pour reprendre l'expression de Perquis, «sous le choc». Mais mobilisée. Aujourd'hui, les dirigeants niçois se rendront à son chevet au CHU de Rouen. Mardi, Perquis fera également la route. Suivront, entre autres, les Sochaliens Rafael Dias et David Sauget. «Je ne veux pas lui parler au téléphone, je veux le voir», assure ce dernier. Thierry Uvenard, son ancien formateur au Havre, refusait également tout fatalisme hier : « Il est vivant alors, non, je ne veux pas parler des souvenirs que j'ai avec lui, surtout pas. Je ne veux qu'une chose : qu'il se remette au plus vite. Qu'il sorte de cette merde ! » Où un destin tragique l'a mené, sur les routes d'une Normandie qu'il chérit tant.