À l’orée de sa cinquième saison avec Nice, Dante, 36 ans, décline une ambition raisonnée. Très élogieux à l’adresse de Thiago Silva et de Neymar, ses compatriotes parisiens, il s’émeut de la situation sanitaire au Brésil, le deuxième pays au monde le plus touché par le Covid-19. Les mots de cet homme de caractère, écouté et respecté au sein du vestiaire, résonnent et interpellent.

 

 

Nice se révèle très actif sur le marché des transferts avec déjà cinq recrues. Le club est-il en train de changer de dimension ?

 

On est ambitieux. Il suffit de regarder le profil des nouveaux joueurs et leur qualité pour s’en persuader. Ici, on s’inscrit sur le long terme. Le club ne fait pas n’importe quoi. On construit étape par étape. Tout est pensé et raisonné. Dans le football, il est toujours dangereux de vouloir aller trop vite. On aspire à obtenir les meilleurs résultats possible, à progresser et à grandir. On va dans la bonne direction.

 

Au sein d’un effectif assez jeune, avez-vous, du haut de vos 36 ans, un devoir de transmission ?

 

Toujours. Le coach, au quotidien, n’a pas forcément le temps de s’y employer. Il doit bénéficier de relais. Il n’y a rien qui rende plus fier que transmettre son expérience et voir les autres progresser. C’est mon rôle d’inculquer aux jeunes l’envie du travail bien fait, la motivation nécessaire et de faciliter leur apprentissage du métier. Je vis avec eux. Je partage plein de choses dans le vestiaire ou lors des mises au vert. Pierre, Walter, Kasper et Morgan (NDLR : Lees-Melou, Benitez, Dolberg et Schneiderlin) vont m’aider aussi.

 

Avez-vous compris l’arrêt définitif de la L 1 alors que tous les autres grands championnats européens ont finalement repris ?

 

Le Premier ministre a pris une décision raisonnable et respectable. Je l’ai affirmé fin avril et je le crois encore aujourd’hui. Il a pensé au peuple. Il a cherché comment améliorer la situation des Français. Trouver une solution pour jouer au football apparaissait alors bien secondaire. On a déploré beaucoup de décès et de très nombreuses familles ont été endeuillées. Dans ce contexte, pourquoi les footballeurs, qui sont déjà des privilégiés, auraient bénéficié de tests afin d’exercer leur métier quand d’autres personnes, en situation bien plus précaire, n’y étaient pas autorisées et perdaient leur emploi ? Ça n’aurait répondu à aucune logique. Et en termes d’image, ça aurait été catastrophique. Je n’échangerais jamais la santé des gens contre un titre ou une place européenne.

 

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Le football doit-il désormais se réinventer ?

 

J’espère que cette crise va susciter une prise de conscience collective. On en était arrivés à une situation assez incompréhensible avec des sommes à donner le vertige. Indécentes. Les clubs vont comprendre que les transferts n’ont pas besoin d’être si importants. Quant aux footballeurs, notamment les plus jeunes, ils s’apercevront, sans doute, qu’ils peuvent bien vivre avec des salaires moins importants, notamment en début de carrière. Là, on touche à des questions d’éducation et de valeurs. Si certains, au lieu de penser à la somme qu’ils ont coûtée et au salaire qu’ils vont gagner, peuvent déjà retrouver l’amour de leur sport, tout le monde en sortira meilleur.

 

Vous avez sans doute suivi l’actualité du PSG. Qu’avez-vous pensé de la non-prolongation du contrat de votre compatriote et ami Thiago Silva ?

 

Je ne suis pas à l’intérieur du club. Je ne sais donc pas ce qu’il s’y passe. Thiago est une belle personne et un grand capitaine. Il fait encore partie des meilleurs au monde à son poste. On peut regretter de voir son histoire au PSG s’achever ainsi. Mais il lui reste quand même trois trophées à conquérir, et notamment la Ligue des champions après laquelle il court depuis tant d’années.

 

Ces dernières saisons, son manque supposé de caractère a pourtant été montré du doigt. A-t-on été trop dur envers lui ?

 

On a eu tendance à le rendre responsable après chaque défaite du PSG. Il a pu avoir des moments de faiblesse à l’image d’un collectif. A partir de ce constat, des gens se sont forgé une mauvaise opinion à son sujet. Chacun peut commettre des erreurs de jugement. Il faut seulement avoir l’intelligence de le reconnaître. Thiago Silva a marqué l’histoire du PSG. Ça demeure une évidence.

 

Le changement de format de la Ligue des champions peut-il se révéler bénéfique pour Paris en août prochain ?

 

Aucun club encore qualifié ne se détache. Ça peut être la bonne année pour le PSG. Je mets une pièce sur Paris et le Bayern (NDLR : où il a joué de 2012 à 2015). Avant d’apprendre le changement de formule, je l’imaginais déjà se hisser jusqu’à la finale. La qualification face à Dortmund a montré les ressources de cette équipe. Emmenée par Ney, elle a une belle carte à jouer.

 

Neymar peut-il, enfin, se révéler l’homme providentiel pour Paris dans sa quête européenne ?

 

On connaît ses qualités. Paris sans Neymar est très fort et peut battre n’importe quelle équipe. Mais, avec lui, Paris est plus performant. Il a franchi un cap. Avec les blessures à répétition, il a vécu des choses qui ne sont pas faciles, mais il a beaucoup de caractère. Il a su faire son autocritique pour s’améliorer encore et penser collectif. Ça se sent aussi dans ses relations plus fluides avec ses équipiers. On a de lui une image tronquée. Ce garçon est extraordinaire. Il aime profondément le jeu. Sur un terrain, il respire la joie.

 

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Etes-vous inquiet de l’accélération de la pandémie au Brésil ?

 

Les chiffres quotidiens des contaminations et des morts font peur. Loin de se stabiliser ou de régresser, les courbes s’affolent. Les Brésiliens se relâchent. Ils se montrent beaucoup plus indisciplinés et de moins en moins solidaires. Je crains qu’on ne s’en sorte pas et qu’on aille au-devant d’un véritable désastre sanitaire.

 

Depuis le 18 juin, le Championnat de Rio a pourtant repris…

 

C’est du grand n’importe quoi. Un véritable scandale. Les joueurs de Flamengo évoluent au Maracana. A l’extérieur du stade, un hôpital de campagne a été installé sur le parking où des Brésiliens meurent pendant le déroulement des rencontres. Aucune grande voix du foot brésilien ne s’est élevée pour dénoncer cette situation. Je le déplore.

 

Jair Bolsonaro et son gouvernement vous paraissent-ils à la hauteur ?

 

Ils naviguent à vue. C’est triste à dire, mais c’est la réalité. Quand le président privilégie le social au sanitaire, manifeste une opposition farouche aux mesures de confinement et incite les gens à sortir de chez eux, il y a de quoi s’alarmer. Beaucoup de Brésiliens ne vivent pas, ils survivent en ignorant de quoi demain sera fait.