SAALFELDEN (AUT) – La fraîcheur de l’Autriche, où on l’a rencontré au début du mois pendant le stage du Gym, ne gênait pas Morgan Schneiderlin, qui est moins habitué à la chaleur azuréenne. Après douze saisons anglaises, le milieu (30 ans) redécouvre la France qu’il avait quittée très tôt, en 2008, pour rejoindre Southampton en provenance de Strasbourg, son club formateur. Sa réussite britannique l’a amené jusqu’à Manchester United (2015-2017) et chez les Bleus, même si sa quinzième et dernière sélection remonte à novembre 2015. Il rêve toutefois encore de Clairefontaine car il sait qu’on le verra davantage à Nice qu’à Everton, où sa saison s’est arrêtée le 23 février à cause d’une blessure à un ménisque. Il est désormais rétabli, et la vigueur de ses interventions a déjà prouvé qu’il était prêt à affronter Lens aujourd’hui.
« Vous avez un profil très britannique. Est-ce la raison de votre venue à Nice, qui manquait d’impact ?
Le coach (Patrick Vieira) a envie que j’apporte cette mentalité et ce style. J’aime récupérer des ballons, je suis agressif dans le bon sens du terme car je ne viens jamais pour faire mal.
Vos coéquipiers sont impressionnés par votre engagement…
Ils n’osent pas encore me dire “doucement, doucement”… Mais je pense qu’on ne peut pas s’entraîner light et arriver le week-end en espérant directement mettre le pied. Je mets de l’impact dans mon jeu, et je suis du genre à avoir besoin de bien m’entraîner. Mon match reflète ma semaine.
Allez-vous être un leader dans l’exigence au quotidien, qui manquait aussi à Nice ?
Quand j’ai signé, on m’a dit que je devais apporter mon professionnalisme. Je ne vais pas surjouer, m’inventer un caractère ou une vie. Je vais rester sur la même ligne de conduite et si ça peut inciter d’autres à suivre, c’est avec plaisir. Je ne suis pas là à crier tout le temps, à faire des trucs de fou. J’aime bien rigoler, je n’ouvre pas ma bouche vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Vous êtes la recrue niçoise la plus expérimentée. Cela vous donne-t-il un statut particulier ?
J’ai une certaine responsabilité, je le sais. Avec Dante, qui a une expérience folle, Pierre Lees-Melou et Walter Benitez, on est les cadres de l’équipe. C’est nous qui devons montrer l’exemple au quotidien. Comme on dit en Angleterre, set the standards (donner le ton). Quand ça va bien, remettre tout le monde les pieds sur terre, et quand ça va mal, trouver les solutions.
Comme vous êtes un milieu français qui aime l’engagement et a passé l’essentiel de sa carrière en Angleterre, on pense à Patrick Vieira. Sa présence a-t-elle pesé dans votre choix ?
Ça a joué car je connais sa carrière extraordinaire, son style de management. Même s’il y a eu des petites critiques l’an dernier sur le jeu, j’ai toujours trouvé que son équipe avait une identité en voulant ressortir le ballon de derrière.
Vous échangez sur votre poste ?
Il sait ce qui va faire progresser mon jeu car même à trente ans, je suis là pour apprendre. Je prends ses conseils avec grand plaisir. Il veut m’utiliser comme sentinelle et attend de moi que j’enclenche le pressing, que j’aide mes défenseurs dans la construction, avec des passes propres. J’ai toujours en tête de défendre en avançant. J’adore ce style de jeu, récupérer le ballon dès la perte, et c’est ce qu’il transmet.
Devez-vous adapter votre niveau d’engagement à la L1 ?
Beaucoup de proches m’ont dit que je vais trouver ça dur, les arbitres en France… Je vais découvrir, et si malheureusement je prends trois cartons jaunes lors des trois premières journées, je vais essayer de m’adapter… Si les arbitres lisent cette interview, qu’ils laissent jouer un peu plus et qu’ils soient tranquilles avec moi (sourire).
Vous semblez connaître déjà très bien votre équipe…
J’adore le foot, ma femme me reproche souvent de regarder trop de matches… J’ai toujours gardé un œil attentif sur la L1. Deux mois avant le confinement, je savais que c’était faisable avec Nice, et j’ai donc regardé encore plus. Je connais vraiment bien le style, les joueurs, je sais où je mets les pieds. À ce stade de ma carrière, je devais connaître le projet global de mon club. À Nice, c’est parfait car il y a des personnes stables qui savent où aller.
“ Le projet de Nice m’a touché dès que j’ai parlé avec Julien Fournier et Patrick Vieira
Avez-vous souffert de l’instabilité d’Everton ?
Je ne vais pas parler d’erreur mais quand j’ai quitté Manchester United (en 2017), je l’ai fait pour une personne, Ronald Koeman (son entraîneur à Southampton, 2014-2015). Je fais six très bons mois et il se fait virer… Il y a eu ensuite beaucoup de changements de direction, ce n’est pas l’idéal. Cela m’a appris à ne pas seulement faire un choix en fonction de l’entraîneur, même s’il joue un grand rôle.
Vous avez joué quinze matches la saison dernière, quatorze en 2018-2019. Comprenez-vous qu’il y ait des doutes sur votre capacité à enchaîner ?
Je ne me pose pas de questions car je sais ce qui s’est passé. Il y a deux ans, j’ai été enlevé de l’équipe car j’ai vécu un drame familial, j’ai rejoué ensuite et c’était très bien. La saison dernière, je me suis blessé. Je peux comprendre les doutes mais je me sens très bien. J’ai travaillé très, très dur depuis ma blessure, et j’ai toujours bossé dur quand je jouais un peu moins. J’ai traversé des bonnes et des mauvaises situations, et je suis meilleur qu’il y a cinq ans.
Pourquoi avez-vous quitté l’Angleterre ?
Mon but premier n’était pas de quitter l’Angleterre. J’étais à l’écoute de tout et j’avais des clubs anglais, espagnols ou italiens. Le projet de Nice m’a touché dès que j’ai parlé avec Julien Fournier (le directeur du football) et Patrick Vieira. Je l’ai trouvé fantastique. C’est un choix strictement sportif.
Aviez-vous envie de voir la L1 après avoir seulement joué quatre matches avec Strasbourg en 2008 ?
Pour être honnête, la France n’était pas envisageable au début. J’avais envie d’autre chose, pas forcément la France. Après, quand j’ai choisi Nice, je me suis dit que ça allait aussi être top de découvrir la L1, les stades, avec mes proches qui peuvent venir. On joue le 30 août à Strasbourg, je vais devoir commander 5 000 billets si c’est possible… »