David Ospina ne s’aventure pas encore à répondre aux interviews en français. Il comprend les questions mais répond encore en espagnol, de façon plutôt académique. C’est sans doute qu’il a appris à calibrer ses propos quand il s’est révélé sous les rayures vertes et blanches de l’Atletico Nacional de Medellin, champion de Colombie à dix reprises, sous intense pression populaire et médiatique. Le célèbre et fantasque René Higuita était aussi passé par là (il joue d’ailleurs toujours dans le Championnat colombien à 42 ans).
Issu de la classe moyenne de son pays (un père comptable, une mère fan de rumba et une soeur cadette internationale de volley ) , Ospina est devenu arquero (gardien) à neuf ans. Il débuta en pro à dix-sept ans (le 5 février 2006) et il ne s’est jamais permis de boire une goutte des boissons gazeuses d’un géant US quand il gardait le but de l’Atletico, sponsorisé par la marque locale de sodas. Avant de se poser en L 1, ce précoce champion de Colombie 2007 avait déjà disputé plus de cent matches avec ce club qu’il supportait tout gamin et qu’il avait rejoint à quatorze ans.
Nice, par l’oeil de son directeur sportif Roger Ricort, avait donc parié 2,5 millions d’euros l’été dernier qu’il avait la stature d’un digne successeur d’Hugo Lloris, parti à Lyon. Il faut bien sûr attendre de le savoir dans la durée (il a signé quatre ans), mais il paraît avoir ciblé juste. Depuis qu’il a relayé Lionel Letizi début décembre, le temps qu’il s’adapte, Ospina a enfilé bon nombre de prouesses et fait gicler un savoir-faire rassurant,mêmes’il fut déconcerté par la frappe puissante de Wendel sur coup franc contre Bordeaux (2-2, 10e j.), ou s’il déserta sa cage à contretemps voilà deux semaines sur le troisième but lyonnais (1-3, 23e j.).
Antonetti : « Il a fait oublier Lloris »
Pourtant il a dû s’adapter rapidement à des conditions de jeu hivernales qu’il n’avait jamais vraiment éprouvées en Colombie (gadoue, gel, pluie), ou encore à « un nouveau ballon par semaine, ce qui est déstabilisant » (ce ne sera plus le cas la saison prochaine). « Je dirais qu’il a fait oublier Lloris, diagnostique son entraîneur Frédéric Antonetti. Ce sont deux très bons gardiens de niveau international et comparable. Ospina nous a fait gagner des points, il nous a maintenus dans certains matches, il fait partie des gardiens de haut niveau. Il est complet, bon au sol et dans les airs, avec cette maîtrise des émotions qu’a Hugo. On appelle ça de la graine de champion. C’est ce quelque chose d’indéfinissable en plus qui se dégage et que d’autres n’ont pas. »
Dans son bagage, Ospina a notamment apporté comme spécialité ce dégagement au pied volleyé, horizontal et précis. « Tous les gardiens travaillent comme ça en Colombie, assure-t-il. C’est utile pour contre-attaquer, repartir rapidement. » À vingt ans et désormais titulaire dans un club tremplin vers l’Europe, Ospina apparaît actuellement comme principal concurrent du plus expérimenté Miguel Calero au sein de sa sélection, pas franchement bien partie pour se qualifier pour le Mondial 2010, actuellement à la septième place du groupe sud-américain. « Moi, je veux juste continuer de convaincre avec mes prestations et aller le plus haut possible avec Nice », envisage simplement par réflexe cet intrépide au regard espiègle, plus petit (1,83 m) que la moyenne des gardiens de L 1 (entre 1,86 et 1,87 m).