Pleins feux sur Nice
Il n'y a bien que les Anglais pour se promener à Nice. Les adversaires du Gym, eux, rament. Au stade du Ray, l’OGCN est invaincu cette saison. Il le doit certes un peu à l’arbitre M. Chapron, dont le manque d’inspiration (but hors jeu de Mouloungui et penalty très sévère) le préserva de la défaite contre Bordeaux (2-2). Il le doit surtout à lui-même, à son bloc, à son âme. « Derrière toute réussite, il y a d’abord de bons joueurs », rappelle aussi Frédéric Antonetti. Car on n’enchaîne pas huit matches sans défaite et quatre victoires par hasard. Hormis le faux pas initial, contre Le Havre (0-1, 1re journée), seuls Lyon (2-3), aidé par un sifflet opportun (le fameux équilibre de l’erreur), et Rennes (0-1), deux cadors, ont fait atterrir les Aiglons. C’est dire la solidité du onze niçois, l’actuel dauphin de l’OL.
Il défend de mieux en mieux (un seul but encaissé sur les quatre derniers matches), il est diabolique sur coup de pied arrêté, où le pied gauche d’Hellebuyck rassemble le punch de Tyson et la précision de Sugar Ray Leonard et il marque (20 buts, 5e attaque de L1). Une dernière remarque loin d’être anodine pour un groupe étêté à l’intersaison, avec les départs, entre autres, de ses deux meilleurs buteurs (Koné, Ederson) plus Laslandes, et privé en novembre de sa principale recrue offensive sur blessure, le jeune Loïc Rémy (six buts), de retour dans le groupe aujourd’hui. Tout cela porte la patte d’un grand entraîneur. Le compliment glisse sur le bonze Antonetti, indifférent aux danses du ventre et autres salamalecs. « Être deuxième aujourd’hui, c’est un épiphénomène, a-t-il répété toute la semaine. On n’a pas de marge, ni au classement, ni dans le jeu. »
Vrai. Nice n’a empaqueté qu’un seul de ses huit succès par plus d’un but d’écart. Ça date : c’était le 30 août contre Valenciennes (2-0). La statistique a le don d’irriter l’entraîneur, qui peste sur ces contres mal négociés « quand l’adversaire pousse et laisse des espaces ». « On ne maîtrise pas encore assez le contenu de nos matches », juge-t-il. Pas assez pour se sentir à l’abri.
Si Nice chute ce soir, il pourrait reculer au cinquième rang lundi, en fonction des résultats de ses concurrents. Et, s’il se transporte six ans en arrière (lire également par ailleurs), il se souviendra qu’être second à la trêve n’est pas un passe pour rêver en mai (10e au final en 2003).
Faé : « Les gens ne parlent pas assez de nous »
On n’a d’ailleurs senti aucune euphorie cette semaine. Les supporters ne se sont pas rués au centre d’entraînement Charles-Ehrmann. Antonetti avait offert deux jours off à ses hommes. Ils sont revenus comme ils étaient partis. Volontiers prudents, avec le discours rodé de l’enfant sage, travailleur et conscient de la valeur des choses. Et, pourtant, on le sent, pointe la revendication à plus d’attention. Emerse Faé s’est ému, ô combien civilement. Il demeurait quand même un petit fond d’amertume dans sa gorge. « Nice dérange, les gens ne parlent pas assez de nous, remarquait-il. C’est bizarre : on insiste toujours plus sur la défaite de nos adversaires. Ça n’est jamais Nice qui les fait mal jouer. Ça neme dérange pas du tout, c’est juste un constat. Nous, on est bien, on travaille tranquillement. » ogcnice.info
Voilà pourtant l’occasion de secouer cet anonymat pas si doux. Nice reçoit Grenoble dans le choc incongru du samedi soir. Pas encore la fièvremais l’occasion de faire monter la température sur la Côte d’Azur. Face à un promu qui faiblit (et reste sur trois nuls et deux défaites), les Aiglons peuvent se confirmer dauphins avant un dimanche qui laissera des rivaux en plan (Toulouse-Marseille, Rennes-PSG).
Antonetti lève un sourcil : « Attention, c’est un match très difficile face à une équipe bien organisée, l’une des meilleures à l’extérieur. Grenoble a posé des problèmes à tous ses adversaires. » Si le Gym l’écartait, cela signerait donc son évolution. « Oui, absolument, opine le coach. On progresse dans l’élaboration de notre jeu. Ça sera un bon test. » Ensuite, Nice retrouvera d’ici à la trêve l’OM, Lille et Toulouse. Trois équipes qui naviguent dans ses eaux. On en saura plus alors sur son véritable standing. Autant ne pas l’abîmer dès ce soir.
Hellebuyck,le chef artificier
Dans son approche du match, Mécha Bazdarevic n’a pu faire l’impasse. L’entraîneur grenoblois a dû cerner un danger majeur : les coups de pied arrêtés. Nice s’y montre redoutable –leGyma inscrit ainsi sept de ses neuf derniers buts – et David Hellebuyck en est le maître artificier. « C’est une de nos forces, reconnaît Frédéric Antonetti. Partout, on travaille les coups de pied arrêtés. Nous, on a le bonheur d’avoir un spécialiste et d’être accompagnés par un soupçon de chance. »
En quinze journées, Hellebuyck a donné huit passes décisives (personne n’a fait mieux en L 1), dont cinq sur des coups de pied arrêtés. Sur les quatre derniers matches, il a été à l’origine de quatre des cinq buts inscrits par lesAiglons sur corner ou sur coup franc. « C’est le travail qui paye, sourit-il. Parce que je me suis toujours astreint à cet exercice. Longtemps, je suis resté en fin d’entraînement pour taper. Paradoxalement, c’est aujourd’hui, alors que je suis moins assidu, que ça me sourit enfin. »
Antonetti : « David s’épanouit et s’extériorise davantage »
Le geste, il l’a aujourd’hui dans son disque dur. Une frappe sèche et précise qu’il place idéalement devant le but, entre le gardien et ses attaquants, dans cette zone où les défenseurs ont du mal à intervenir. « C’est un truc qu’on répète, sans plus, dit Olivier Echouafni, l’un des relais privilégiés d’Hellebuyck, buteur à Lorient et à Saint-Étienne (1-0 les deux fois). Le coach nousdemande de nous partager un secteur où le ballon est censé arriver. La justesse de David fait le reste. Il a une patte gauche exceptionnelle. » Et une confiance telle que, comme Juninho à Lyon, personne ne lui discute vraiment le droit de tirer les coups de pied arrêtés. « Jeme sens de plus en plus àmon aise et c’est clair que j’ai l’impression de les tirer de mieux en mieux, confesse-t-il. Désormais, je pars dans l’idée que ça va marcher. »
Une prise de conscience logique pour ce joueur introverti mais bourré de talent, âpre au duel, doté d’une résistance physique très au-dessus de la moyenne (ses coéquipiers le surnomment le « Robot ») mais qui ne croit pas suffisamment en lui. « Ça vamieux à ce niveau, se réjouit Antonetti. David s’épanouit et s’extériorise davantage. Il est devenu un des éléments majeurs de l’équipe et je suis certain que, totalement libéré, il peut donner plus encore. » Il suffirait peut-être que l’ancien Stéphanois marque directement sur coup franc. Il estime avoir touché le cadre une trentaine de fois ces dernières années.
Il y a 6 ans déjà
Nice installé dans le duo de tête en novembre ? C’est du déjà-vu récemment. En 2002, le Gym avait longtemps tenu la tête, atteignant la trêve juste derrière l’OM avec 33 points. À l’époque, Gernot Rohr était l’entraîneur du promu et Pancho Abardonado un joueur majeur. « C’était un miracle, se souvient Rohr. On compensait nos faiblesses par un engagement exceptionnel. Il y avait une communion entre l’équipe et le public, les dirigeants et le staff. C’est une aventure inoubliable, un de mes grands souvenirs. J’ai toujours une sympathie particulière pour le Gym, que je crois capable de finir dans les quatre premiers. »
Abardonado abonde : « En 2002, tout nous réussissait, les attaquants adverses échouaient systématiquement devant Gregorini. J’ai vécu une année et demie fantastique sans moyens – comme on manquait de chasubles, on jouait torse nu à l’entraînement – avec des joueurs sortis de nulle part. Ça me fait chaud au coeur de voir Nice aussi bien classé. L’équipe a plus de qualité et me semble partie pour rester en haut. Ça me ferait plaisir pour Echouafni ou Rool, mon frère. Mais attention à février et mars, où Nice coince toujours un peu. » La voix de la sagesse : son Gym à lui, encore troisième à la mi-février, avait quitté le quintette majeur mi-mars. Il avait fini dixième.