Quatrième avant de se déplacer ce soir à Marseille, le Gym voit son développement sportif freiné par des handicaps structurels. Voyage au-dessus d'un nid d'Aiglons.
Ouvert aux exégèses enflammées des supporteurs, aux regards des badauds et des écoliers émerveillés, le stade Charles Ehrmann révèle autant l'état de décrépitude des infrastructures de l'OGC Nice que de son atmosphère familiale. Bordé par une voie publique, le terrain d'entraînement des Aiglons fait figure de survivance. Un bain de jouvence à l'ère d'une hyperprofessionnalisation si déshumanisante. Du côté de la route de Grenoble aux alentours immédiats du Nikaia, aucune place pour les vigiles dressés comme des molosses, les joueurs se protègent uniquement par leur disponibilité et leur affabilité.
Le projet d'édifier un centre flambant neuf d'ici à deux ans et demi - coût estimé entre 15 et 20 M€ - pourrait nuire à la convivialité qui caractérise une formation bénéficiant d'un puissant soutien local. «Il va falloir y passer pour que Nice grandisse», se résout Olivier Echouafni, milieu de terrain niçois depuis six ans. Éric Roy, aujourd'hui directeur du développement du club atypique dans lequel il a été formé comme joueur, dresse un état des lieux sans concession : «Nous nous appuyons sur aucune structure. Il est essentiel de bâtir un stade et un centre d'entraînement pour assurer notre pérennité dans l'élite.»
«Une capacité à tout donner»
Avec un budget calculé sur la base de la 17e place, soit 32 M€ alloués aux dépenses, la troisième place occupée actuellement par les Niçois en championnat tient du miracle. «Tant que nous n'aurons pas un nouveau stade, nous ne pourrons pas accroître nos revenus. Cet outil pourrait nous apporter 12 à 15 M€ de recettessupplémentaires par saison. Adossé à un bassin de population de 800 000 habitants, le Gym dispose d'un formidable potentiel de développement. D'autant que l'esprit foot est fort dans la région», insiste Maurice Cohen, le président niçois.
En dépit de la vétusté à la mode «sud-américaine» du stade du Ray, une antiquité datant des années 1920, l'OGC Nice parvient à brouiller les cartes en Ligue 1. «Chaque saison, notre ambition demeure le maintien. Après on espère toujours aller le plus loin possible. L'année dernière on s'est classé 8e, essayons de faire mieux. Rester sur le podium semble en revanche difficile», avance avec prudence Maurice Cohen. Sur une série de huit matchs sans défaite, dont quatre succès de rang, les Aiglons restent mesurés avant de se jauger face à des équipes de haut de tableau (Marseille ce soir, Lille, Toulouse). Sans oublier la rencontre reportée pour intempéries face à Grenoble. Parcours du combattant avant la trêve pour cette équipe pugnace qui s'impose souvent à l'énergie (une seule victoire avec plus d'un but d'écart).
Pour Olivier Echouafni, cette efficacité maximale illustre d'abord «les facultés mentales» exacerbées de ses coéquipiers. À Nice, le supplément d'âme se nourrit de l'adversité. Comme un signe de la perpétuation des valeurs collectives qui avaient permis au club de se maintenir dans l'élite il y a sept ans. «Je retrouve l'état d'esprit de l'époque, cette capacité à tout donner», se réjouit Éric Roy.
Faute de moyens financiers, l'OGC Nice doit chaque année vendre ses meilleurs joueurs pour équilibrer ses comptes. Après les départs à l'intersaison de Lloris, Ederson, Koné, Balmont et Laslandes, les Niçois avaient été voués aux gémonies. Scénario du pire ne prenant pas en compte l'ingéniosité de l'équipe dirigeante et le savoir-faire du staff technique. «Notre effectif s'articule autour de trois axes. Nous nous appuyons sur des joueurs cadres. Nous ciblons des joueurs talentueux en manque de temps de jeu. Et nous lançons des jeunes en post-formation. Notre réussite actuelle tient beaucoup à la stabilité de notre club, se félicite Maurice Cohen. Notre directeur sportif, Roger Ricort, est en place depuis sept ans. Notre entraîneur, Frédéric Antonetti, est ici depuis quatre ans.»
Personnalité détonante, le technicien corse s'est forgé la réputation de maître d'œuvre inspiré d'une politique sportive de la débrouille. «Frédéric Antonetti a donné un deuxième souffle au club. Il est parvenu à structurer le secteur sportif en faisant progresser de jeunes joueurs. Le club est malheureusement obligé de les vendre par la suite pour exister sur le plan national», déplore Éric Roy. Comme pour mieux mesurer le chemin escarpé restant à gravir pour installer Nice dans le gotha national.