Dans le langage du milieu, qui n'expurge ni les clichés ni les poncifs, on appelle ça un "tube de l'été", voire un "feuilleton à rallonge" avec retournements de situation, coups de théâtre, intox et querelles intestines à gogo. Rien ne prédisposait pourtant Loïc Remy, garçon bien élevé et syrnpathique de vingt-deux ans, à devenir malgré lui, en l'espace de deux mois (juin et juillet), la vedette française d'un marché des transferts particulièrement déroutant.
Petit rappel: il y a un peu plus d'un an, au sortir d'un prêt convaincant de six mois à Lens, Rémy décidait de quitter pour de bon son club formateur de Lyon et de signer un contrat de quatre ans à Nice. Barré par la concurrence à l'OL, il estimait, à juste titre, que partir pour un club moins huppé lui permettrait de gagner du temps de jeu et de progresser. Lyon,lui, arrivait à une période où le besoin de renflouer ses caisses avant la clôture de l'exercice comptable (au 30 juin 2008) commençait à se manifester. Nice lui proposait 8 M€. C'était beaucoup d'argent pour un joueur qui n'avait alors disputé qu'une vingtaine de matches en L1, dont la moitié comme tituiaire, et marqué seulement trois buts. Bien sûr, l'OL sauta sur l'occasion, même si Bernard Lacombe, le conseiller du président Aulas, estimait alors "toujours emmerdant de perdre des bons joueurs formés au club, surtout quand on ne sait pas encore quel niveau ils peuvent atteindre."
A l'époque, le montant du transfert semblait disproportionné, en inéquation totale avec l'expérience du joueur. Aujourd'hui, Rémy coûte pourtant entre 15 et 16 M€, soit deux fois plus. C'est en tout cas la somme, plus la cession d'Anthony Mounier - excusez du peu ! -, que l'OL était disposé à mettre sur le tapis cet été pour racheter son ancien joueur. Un prix irrationnel qui a non seulement semé la pagaille à Nice, où la logique sportive (conserver le joyau) du président Cohen et de l'entraîneur Ollé-Nicole s'est parfois heurtée à la logique financière (ramasser le magot) des actionnaires, mais aussi à Lyon, où tous les décideurs du club, en particulier le coach, Claude Puel, et Bernard Lacombe n'étaient pas forcé ment d'accord entre eux sur la pertinence d'une telle dépense. Au final, pourtant, Lyon et Nice n'ont pas réussi à s'entendre, chacun reprochant à l'autre d'avoir trop tergiversé et donc laissé passer sa chance.
Ollé-Nicolle: "C'est le joueur que tout entraîneur rêve d'avoir''
Reste cette question, fondamentale, qui brûle les lèvres de tout observateur normalement constitué: Loic Rémy vaut-il réellement 15 M? Ce joueur, qui a certes planté 11 buts en L1 avec Nice la saison passée et qui a même connu sa Première sélection en équipe de France, vaut-il aujourd'hui que l'OL discrédite sa politique de recrutement au point d'essayer de le racheter au double du prix qu'il l'avait vendu un an plus tôt?
"Même si je n'ai pas envie de revenir sur un dossier laborieux et lourd, je peux comprendre la position de Lyon, estime Didier Ollé-Nicolle, le nouvel entraîneur niçois. Loïc est d'abord un garçon qui donne du plaisir aux gens qui le dirigent. Comme il est en plein épanouissement, il magnifie le rôle du coach qui peut ainsi participer à l'éclosion d'un joueur pétri de talent. Loic est très réceptif il ne donne pas le sentiment de ressembler à ces jeunes qu'on rencontre de plus en plus souvent et qui vous donnent d'emblée l'impression de tout savoir sur tout. En vérité, c'est le joueur que tout entraîneur rêve d'avoir: il arrive tous les matins avec le sourire et quand on part courir en forêt, il se place naturellement devant pour mener le train"ogcnice.info
A l'OL, l'attaquant des aiglons a également laissé un souvenir délicieux. Celui d'un joueur travailleur et déterminé qui s'est longtentps accroché comme un forcené pour exister dans l' ombre des surdoués Benzema et Ben Arfa. Beaucoup d'autres, à sa place, auraient jugé la concurence trop rude et probablement jeté l'éponge. Rémy, lui, y a toujours cru. Il n'avait certainement pas les mêmes qualités naturelles que ses deux partenaires du même âge du centre de formation, mais il avait cette humilité, ce sens du devoir et du sacrifice et ce respect des consignes et du travail qui aident à gagner la confiance et la considération des entraîneurs. Patick Paillot et Armand Garrido, deux de ses formateurs à l'OL, se souviennent d'un "garçon intelligent, qui ne faisait pas de bruit, mais qui était aimé de tous". Jean- Pierre Papin, lui, l'a connu à Lens. Il évoque " un gamin qui essayait non seulement de faire ce qu'on lui disait mais qui en voulait aussi toujours plus".
Un profil d'attaquant moderne et polyvalent.
A une époque où les jeunes générations ne se distinguent pas forcément par leurs respect absolu de la hiérarchie et des anciens, et où les comportements individualistes et dillettantes pullulent, la personnalité de Loïc Rémy dénote. Son profil de bon soldat discipliné et consciencieux séduit. Il plaît à R.Domenech, le séléctionneur national, qui le convie au rassemblement des bleus depuis mars dernier. Et plaît azussi à Claude Puel, qui voyait sans doute en lui un attaquant rigoureux idoine pour remplacer notamment l'ingérable Kader Keita à Lyon.
Mais les qualités de Loïc Rémy ne se limite pas à un état d'esprit irréprochable. Le bonhomme a un autre atout, considérable: celui de présenter ce profil d'attaquant moderne et polyvalent que recherchent tous les clubs de la planète. ll va vite, il saute haut, sa technique en mouvement lui permet de jouer aussi bien dos au but qu'en profondeur et il peut évoluer soit seul en pointe, soit sur un côté (le droit, de préférence), en complément d'un deuxième attaquant plus tueur de surface. "Il me fait penser à Thierry Henry quand il a commencé, nous disait récemment Jean Pierre Papin. Il a les mêmes qualités: il va très vite - avec beaucoup de contrôles orientés - et toujours en profondeur."ogcnice.info
Nice ne risque-t-il pas de freiner sa progression? Jouer dans un club engagé en Ligue des champions n'aurait-il pas accru ses chances de disputer le Mondial 2010, pour peu que les Bleus se qualifient? "Non, car Loïc est un jeune joueur qui vient juste de découvrir le haut niveau, répond Ollé-Nicolle. Aujourd'hui, il est dans une phase de confirmation. A ce titre, mieux vaut être le leader d'attaque incontesté et marquer des buts dans une équipe comme Nice que prendre le risque d'être placé ailleurs en concurrence avec des joueurs plus expérimentés qui sont souvent privilégiés par rapport à des éléments plus jeunes."
Rémy a démarré la saison en trombe. A Saint-Etienne (o-2), lors de la première journée, il a inscrit un but somptueux, tout en finesse. De quoi promettre bientôt un remix de la rengaine " Partira? partira pas?"qui rythma I'intersaison niçoise. Combien vaudra-t-il dans six mois? Et dans un an?