Comment l'OGC Nice compte devenir un grand club

Nice future place forte du football français ? Impossible, crieraient certains au regard du passé récent du Gym - régulièrement en lutte pour le maintien. D'un point de vue sportif, les dernières saisons réalisées par le club ont été médiocres, voire ont frôlé la correctionnelle. Sur le plan financier (14e budget de Ligue 1), la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) a menacé Nice plusieurs fois de relégation forcée en Ligue 2 si ses problèmes de trésorerie n'étaient pas réglés. Et au niveau médiatique, l'OGCN a toujours subi la concurrence des autres clubs de la région Paca : Marseille et Monaco. Même Cannes, avec son centre de formation d'où est sorti un certain Zinédine Zidane, lui volait la vedette dans les années 1990...

 

 

 

 

 

 

Pourtant, depuis quelques mois, on assiste - sous l'impulsion du nouveau président et actionnaire, Jean-Pierre Rivère, et du nouvel entraîneur, Claude Puel - non pas à une révolution, mais à un frémissement qui fait penser que les choses changent dans la capitale azuréenne. En effet, Nice est LA surprise de ce début de championnat : 5e de Ligue 1, les hommes de Claude Puel ont même été la meilleure équipe du mois de novembre. Avec en prime quelques belles performances : match nul contre Marseille et Lille et, surtout, victoire contre... le Paris-SG, actuel leader de L1 (2-1 au stade du Ray) !

 

 

Plaisir

 

Rien n'indiquait pourtant avant la reprise du championnat une telle embellie. L'effectif a été complètement chamboulé durant l'été 2012 - le meilleur joueur du club Anthony Mounier faisait même ses valises -, et les nouveaux arrivants étaient pratiquement inconnus du grand public. "L'essentiel est avant tout de donner du plaisir", expliquait le président du club niçois. Difficile dès l'instant où les grands noms ne sont pas au rendez-vous. Mais Jean-Pierre Rivère a les pieds sur terre : "Chacun des membres de l'équipe dirigeante et du staff a un rôle bien déterminé. Il s'agit de s'inspirer du modèle de l'entreprise afin de ne rien laisser au hasard tout en prenant en compte l'aléa sportif", martèle-t-il.

 

Les transferts obéissent à cette exigence. Pour enrôler Cvitanich, Bauthéac ou Eysseric - joueurs essentiels dans le dispositif élaboré par Claude Puel -, la cellule de recrutement a étudié évidemment les qualités sportives de ces footballeurs, mais pas seulement. Un état d'esprit en accord avec les valeurs du club, voilà le secret du recrutement "made in Nice". Et le résultat est pour l'instant au rendez-vous, puisque ces trois nouveaux joueurs sont les principaux artisans de la bonne forme du Gym. Surtout, tous les supporteurs niçois s'accordent à dire que l'équipe n'a jamais proposé un jeu aussi séduisant depuis son retour en Ligue 1. Donner du plaisir aux gens : le premier but du président semble avoir été atteint.

 

Ouverture à l'ouest

 

Au regard de l'immense chantier sportif et économique qui s'annonce - construction d'un nouveau stade et d'un nouveau centre de formation, mise en place d'une équipe compétitive -, la bonne forme actuelle permet de faciliter les choses. Bâtir pierre par pierre, en respectant scrupuleusement les étapes sans se fourvoyer, tel semble être le leitmotiv de la nouvelle équipe dirigeante, et le choix de Claude Puel pour entraîner l'équipe première s'inscrit parfaitement dans cette logique.

 

L'ancien coach de Lille a une vocation de bâtisseur et il est davantage un technicien qui s'inscrit à long terme qu'un mercenaire du banc spécialisé dans les redressements provisoires. Lui-même le reconnaît : la perspective du nouveau stade a joué dans sa décision de prendre les rênes de Nice. Mais cette nouvelle enceinte très attendue soulève des interrogations. Comment remplir les 35 000 places du futur Allianz Riviera quand l'actuel stade du Ray peinait déjà à combler ses 17 000 places ?

 

Manque de passion ? Non. C'est l'environnement économique qui est responsable de la désertion des tribunes. Le secteur de l'hôtellerie et de la restauration est très inscrit dans l'ADN de la région et, du coup, beaucoup de fans niçois travaillent le week-end. Jean-Pierre Rivière et les décideurs publics de la région sont conscients de ce problème et voient le lieu d'implantation dans la plaine du Var comme une volonté de s'ouvrir à l'ouest du département en direction des villes de Cagnes-sur-Mer, Cannes, voire Grasse. Le président azuréen envisage donc explicitement de développer l'influence des Aiglons sur toutes les Alpes-Maritimes et de grignoter du terrain à l'aura de l'AS Monaco ou même à celle de l'OM dans les années à venir.

 

Les Qataris ? Pas à l'ordre du jour

 

Un pari audacieux, mais qui mérite d'être tenté, selon le patron du Gym : "Mon investissement dans le club est un choix du coeur. Je n'aurais jamais tenté l'aventure avec un autre club, même pour un euro. Il y a beaucoup de travail à accomplir et il est nécessaire de ne pas s'enflammer. Nous sommes encore en pleine construction, même si les bons résultats actuels facilitent notre développement."

 

Hors de question donc de voir un investisseur extérieur venir chambouler ce chantier, contrairement aux rumeurs récentes. "Je n'aurai rien contre l'arrivée d'un nouvel actionnaire, mais il devra respecter le projet que l'on veut mettre en place. Je viens d'arriver, ce n'est pas pour m'effacer plus d'un an après, alors que Nice est en pleine construction", précise Jean-Pierre Rivère. La porte est donc ouverte, mais le club azuréen n'est pas dos au mur et l'adhésion au plan de croissance du club est primordiale. Preuve de la nouvelle sérénité du club : le Gym espère dans l'avenir ne plus subir plus l'encadrement de la DNCG qui veille au grain depuis plusieurs années.

 

Identité

 

Rassurant à l'heure où les capitaux du Golfe et de la Russie grignotent le foot européen (au PSG, Malaga, Manchester City, etc.). Même son de cloche en bas de l'échelle. Un groupe de supporteurs - nommé collectif Roberto Serone - a récemment expliqué vouloir détenir 1 % du capital du club à l'image des socios espagnols. Un souhait que Jean-Pierre Rivère comprend et aimerait mettre en place. Pour autant, le président niçois estime qu'il est impossible pour l'instant d'effectuer une telle opération. "C'est encore trop tôt", lance-t-il, même si la direction du club est à l'écoute de ses ultras. La Populaire Sud, où se trouvent les fans du Gym les plus fervents, conservera sa tribune dans le nouveau stade.

 

Autant d'éléments qui permettront - peut-être - à Nice de ne pas connaître le même sort qu'un club comme Le Mans. L'équipe s'est, elle aussi, dotée d'un nouveau stade, mais, à la suite de sa relégation, elle traverse une période dramatique sur le plan financier. La capitale azuréenne souhaite évidemment grandir. Mais sans se renier.