Walter Benitez : «Je ne veux pas être dans le confort»:

À Lyon,lors de la 4e journée, vous avez réalisé un match quasi parfait et Nice a remporté sa première victoire(0-1).Depuis, personne s’interroge plus sur la hiérarchie des gardiens au Gym. Pour vous,c’était le moment de clore le débat? 

 

Je n’ai pas abordé ce match de cette façon. Jamais je ne me suis dit: “C’est mon match,ils vont voir! Je n’ai pas joué le début de saison, mais je vais lui montrer au coach,etc.”Je n’étais pas dans cette excitation-là. J’étais tranquille, je pensais juste à gagner car c’était important pour le club. Et aussi à prendre du plaisir face à une grande équipe dans un stade magnifique.

 

Ce match a quand même été un tournant, car vous étiez sur le banc après avoir fini la saison dernière comme titulaire...

 

J’étais déçu car la fin de saison s’était bien passée, et, sur le moment, je n’ai pas compris. Mais la seule chose à faire dans ces cas-là,c’est de lever la tête et de travailler. On ne dit rien et on travaille. J’ai la même attitude quand ça se passe bien,je ne veux pas être dans le confort. On veut toujours être numéro 1,ensuite le coach décide. Ça n’empêche pas d’avoir toujours envie de jouer. Le numéro 1 doit travailler pour le rester. Le numéro 2 doit travailler pour montrer qu’il est prêt à passer au-dessus,c’est comme ça dans tous les clubs.Il faut toujours démontrer.

 

 

À votre poste,il n’y a que l’échec ou la blessure du titulaire qui permet de prendre sa place. En l’occurrence,cela a été l’échec de Yoan Cardinale...

 

Il y a une rivalité, plus qu’à tout autre poste, mais elle est saine. On s’entend bien, mais la compétition, c’est la concurrence.C’est pour ça qu’il faut garder la tête froide, rester lucide et patient. Ce n’est pas parce que tu ne joues pas un, deux, trois ou plusieurs matches qu’il faut tout balayer ou se dire qu’on ferait mieux d’arrêter le foot. Le gardien doit toujours avoir la tête froide, toujours rester concentré. La partie la plus importante chez le gardien, c’est sa tête. Il ne faut pas réagir à chaud. Le mental du gardien doit être encore plus fort que celui de n’importe quel autre joueur. Parce qu’il n’y a qu’une place, et quand ce n’est pas toi qui l’occupes, il faut rester fort, patienter, travailler pour n’avoir aucun regret. Et attendre la blessure, la mauvaise performance, une expulsion, oui, c’est vrai.

 

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Cet été, on évoquait l’arrivée d’un nouveau gardien, le prêt de KevinTrapp...

 

C’est déjà un poste difficile, si en plus il faut s’arrêter sur toutes les rumeurs, tout ce qu’on ne maîtrise pas et qui concerne le club... Je le répète, un gardien doit rester froid. Je n’écoute pas ça.Je travaille et je me fais confiance. En dehors des matches, des entraînements, je reste tranquille, je ne rumine pas.

 

Vous êtes arrivé à Nice à l’été 2016.N’avez-vous jamais trouvé le temps long ou regretté votre choix?

 

J’étais à Quilmes, une grande ville au sud de Buenos Aires. J’y suis resté huit ans. Tous mes coéquipiers rêvaient de jouer en Europe. J’ai toujours des amis là-bas, ils me disent que s’il y a une opportunité, ils sont partants. Il y a de la curiosité, de l’envie aussi. Je sais que le club a une tradition de bons gardiens: Lionel(Letizi), qui est mon entraîneur, Lloris,Ospina...Pour moi, ça signifiait qu’on travaille bien ici et je suis venu pour ça, pour progresser, pas pour visiter la Côte d’Azur, même si c’est très agréable. J’ai été international en U17, U20, porter le maillot de la sélection argentine, c’est un rêve. Nice est une chance qu’on m’a offerte, je devais la saisir.

 

Vous êtes ambitieux, vous ne pouviez pas vous contenter d’un rôle de doublure?

 

Non,car je sais tout ce que j’ai fait depuis que je suis petit, tout le travail accompli, tous les sacrifices pour en arriver là. Et je veux continuer d’avancer. Aujourd’hui,je suis dans une grande ville, un grand pays, un grand Championnat, un grand club, et tout le monde n’a pas cette chance. Parfois,elle ne passe qu’une fois, donc il ne faut pas la gâcher.

 

Vous n’avez jamais douté?

 

Il y a eu des moments difficiles. Je pense à l’attentat sur la promenade des Anglais, ma femme était tout près.Cela nous a beaucoup marqués. Ce sont des moments difficiles où tu t’interroges sur tes choix. En Argentine, j’étais titulaire, je jouais toujours, il a fallu que j’appréhende cette nouvelle situation. Le mieux,c’est de travailler encore et toujours. La difficulté,c’est que je suis arrivé blessé. Et quand on arrive dans un club, on veut montrer qu’on est prêt tout de suite.

 

Et Nice a fini troisième de Ligue1 cette saison-là. Vous ne vous êtes pas senti mis de côté?

 

Dès qu’on est blessé, on l’est forcément un peu. C’est valable pour tout joueur. Et les gardiens travaillent toujours un peu dans leur coin.Mais non, je ne pensais qu’à récupérer de ma blessure. J’en ai profité pour apprendre le français, ce que j’avais déjà commencé à faire trois mois avant de quitter l’Argentine. Et puis, j’ai pu découvrir la ville, la région, pour mon adaptation. Je ne suis pas venu pour rester dans le confort. Tout allait bien cette saison-là pour l’équipe, mais j’ai travaillé beaucoup pour le jour où...

 

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On dit de Nice que c’est un club familial, et Yoan Cardinale fait partie de cette famille depuis des années. Dans les moments de doute,aviez-vous le sentiment de ne pas lutter à armes égales?

 

Jamais. Je me suis tout de suite senti intégré à cette famille,auprès de mes coéquipiers,du coach...Jamais je ne me suis dit queYoan profitait du fait qu’il connaît tout le monde ici. Dès mon arrivée je me suis concentré sur moi-même, et j’aurais fait la même chose si ç’avait été un gardien international ou si un autre grand gardien avait signé ici. C’est un poste tellement particulier. Si tu commets une erreur, à 99%,ça fait but. Il faut une concentration permanente. Mais c’est le poste que je préfère. Plonger, faire des sorties, il y a de la liberté et la possibilité de faire des choses un peu folles.

 

 

Vous êtes un gros consommateur de football?

 

Oui, je regarde tout le temps des matches et des résumés sur Internet. C’est important, ça fait partie de mon travail. L’entraînement, ce n’est pas seulement sur le terrain, c’est aussi observer les autres pour progresser.

 

Et vous regardez des gardiens en particulier?

 

Je regarde Neuer, Courtois, Handanovic, des gardiens qui ont un peu la même morphologie que moi. Mais je regarde aussi tous les autres.

 

Vous n’avez pas de modèle?

 

Si, Neuer, mais j’essaie de prendre un peu de tous. Pour moi, Neuer est le meilleur, il a un peu la même taille que moi et tout ce qu’il fait dans le jeu au pied et dans ses sorties m’inspirent. C’est le très haut niveau.J’essaye de m’en rapprocher.