Immersion. Le JDD a vécu de l’intérieur la semaine de reprise de l’OGC Nice après trois mois d’arrêt.

 

Ce n’est pas encore une routine, mais ça finira par l’être. Demain matin, les footballeurs de l’OGC Nice seront testés au Covid-19 par voie nasale avant leur première séance collective depuis trois mois : un écouvillon d’une dizaine de centimètres enfoncé dans une narine pour un prélèvement moins douloureux que désagréable – on l’écrit en connaissance de cause. L’opération a eu lieu une première fois en début de semaine, pour la réouverture du centre d’entraînement. Elle sera répétée chaque lundi, au moins jusqu’au départ en stage à Divonne (Ain), le 4 juillet. « Je suis un mec sensible et vous me faites chialer dès le matin », s’est gentiment plaint Pierre Lees-Melou. Le milieu et ses partenaires vont enfin retrouver leur vestiaire, agrandi afin de respecter la distanciation. Une douche sur trois sera en service.

 

Sevrés de football depuis la mi-mars, les Aiglons ont retrouvé le terrain jeudi, deux par deux, en limitant les contacts. Premier en piste avec le gardien Walter Benítez, le capitaine Dante est arrivé en short et débardeur. Deux heures plus tard, il est rentré à la maison pour se doucher. « J’avais étendu une serviette sur le siège de la voiture pour salir le moins possible, s’amuse le Brésilien, épuisé mais soulagé. J’avais prévenu ma femme mais elle n’était quand même pas très contente. » Il n’a pas encore revu tous ses équipiers, les paires se succédant sans s’approcher sous les yeux d’un staff savamment positionné.

 

Dès lundi, le protocole était précis : « drive » sur le parking pour les contrôles, à raison de deux joueurs tous les quarts d’heure, circulation à sens unique, remise des équipements sans descendre de voiture… En avance, le latéral Patrick Burner a été prié de patienter dans son véhicule. En ce jour de reprise, les docteurs Gilardi et Garcia, assistés de laborantins, ont procédé à 71 tests Covid, pris en charge par le club (de 35 à 50 euros l’unité). Chaque patient a reçu son résultat le soir même. Mais à l’inverse d’autres clubs de Ligue 1, l’OGCN a choisi de ne pas faire connaître d’éventuels cas positifs. Chaises, table et stylo pour parapher le consentement sont désinfectés après chaque entretien. Pratique : l’entreprise Ineos, propriétaire du club azuréen depuis août 2019, s’est lancée au début de la crise sanitaire dans la fabrication de solution hydroalcoolique.

 

Lorsque Dante a croisé la première recrue de l’été, son longiligne compatriote Robson Bambu, le médecin est immédiatement intervenu : « Ne restez pas là, je ne veux pas que ça stagne ! » Jean-Philippe Gilardi n’a pas compté ses heures : dépistage et examens d’avant-saison, questionnaires psychologiques quotidiens, organisation des espaces… Entre lundi et samedi, il a vu « les peurs se dissiper ». Wylan Cyprien ne craint pas pour lui, mais « pour [sa] fille » : c’est ce qu’il a confié au staff chargé de détecter de possibles souffrances après ce long arrêt de travail, forcé. Un psychologue pourra intervenir au besoin. D’après Julien Fournier, le directeur du football, certains ont exprimé « de vraies appréhensions » pendant l’épidémie. « À présent, poursuit-il, l’excitation habite les joueurs, comme les dirigeants et les supporters. Nous sommes tous en manque de foot. » À la question « de 1 à 10, à combien évaluez-vous la certitude de retrouver votre niveau ? », l’espoir Stanley Nsoki s’est ainsi donné la note maximale, sans hésiter.

 

L’attaquant Myziane Maolida fait moins le malin à l’heure du contrôle dentaire. « Le sucre me fait mal, grimace-t-il. Si j’avale un bonbon, c’est la guerre dans ma bouche. » Le numéro 7 niçois ressort sans carie mais avec une liste de dentifrices à essayer. Ophtalmo, podologue… Rentrée rime avec check-up complet. Patrick Vieira, quasi seul sur site depuis une semaine, a déjà un œil sur tout : du retard d’un jeune pro à son rendez-vous médical jusqu’à la planification de la préparation. « Jusqu’au premier stage, on va faire attention à ne pas cramer ceux qui en ont fait le moins possible », pose l’entraîneur. Souriant mais ferme. Les joueurs ont été guidés à distance avec des conseils diététiques comme des programmes de fitness. Le champion du monde 98, lui, a revu tous les matches de son équipe et échangé avec des staffs étrangers pour enrichir sa méthode à l’aube de sa troisième saison.

 

« Gauthier, tu es le premier ? », demande-t-il au frère cadet d’Hugo Lloris, croisé devant le PC sécurité. Entre mars et juin, il a eu tous les joueurs au téléphone au moins une fois, quelques-uns plus régulièrement. Dante l’a, par exemple, tenu informé de la situation sanitaire au Brésil, où l’ex-international auriverde avait demandé à se confiner avant même l’interruption officielle du championnat. Le capitaine est heureux d’être là. « Avec le décalage horaire, confie-t-il, je me suis levé tous les jours à 3 h 30 pour l’école en ligne des enfants. » Sa voix chantante envahit la salle de soins, où il se lance dans un débat animé avec l’un des adjoints de Vieira, Christian Lattanzio, sur le teqball, sorte de ping-pong joué sur une table incurvée. L’échange se poursuivra le soir, autour d’un dîner de retrouvailles.

 

Le lendemain, ça chambre devant le siège rouge et noir. « Oh Cardi, soulève ton tee-shirt ! », entend-on. « Dans quatre kilos », esquive Yoan Cardinale, le gardien remplaçant à la ceinture abdominale suspecte d’après ceux qui aiment l’asticoter. Là, il a l’air affûté. Sur le parking, le milieu Hicham Boudaoui tâte son ventre et ses cuisses, minces. « Ça va, je n’ai pas pris », apprécie-t-il. Son colocataire, Youcef Atal, soupire : « On a un peu galéré devant le frigo mais il ne fallait pas faire n’importe quoi. » La flèche algérienne n’a pas rejoué depuis sa grave blessure au genou en décembre. Ce qui le rend encore plus impatient que les autres : « Si on a peur, on ne fait plus rien. »

 

Un nouveau visage a rejoint le groupe jeudi : le défenseur autrichien Flavius Daniliuc, découvert par la cellule recrutement en équipe réserve du Bayern Munich. L’ancien Bleu Morgan Schneiderlin (Everton) va suivre pour 2 millions d’euros. « On parle d’un mercato au ralenti, mais pas plus qu’à la même période les années d’avant », soupèse Julien Fournier, qui a fixé de bonne heure la feuille de route en compagnie du président Jean-Pierre Rivère et de Patrick Vieira ; l’accord avec Bambu remontait ainsi à février. Même s’il n’aura pas les moyens espérés à cause de la crise, le maître d’œuvre de la politique sportive a trois autres dossiers très avancés. Une façon de rattraper le temps perdu.

 

Photo: site officiel