Même pas peur

Dans un contexte de panique générale liée à la crise économique, l’OGCN se distingue notamment par son activité précoce sur le marché des transferts.

 

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Un actionnaire qui rassure


Comme ses concurrents de Ligue 1, l’OGC Nice abordera le prochain Championnat amputé d’une brassée de millions d’euros, faute d’avoir touché la totalité des droits télé et d’avoir capté les recettes liées aux dix dernières journées de l’exercice précédent. Sauf que le club azuréen appartient depuis dix mois à Ineos, géant de la pétrochimie au chiffre d’affaires annuel proche de 60 milliards d’euros. « Avec un tel actionnaire, on subit la crise et les pertes plus sereinement. D’autres clubs sont un peu plus en difficulté sur ce point », résume, dans Nice-Matin, le président Jean-Pierre Rivère. Le dirigeant au teint hâlé affirme mesurer sa « chance ». Avec le recul, il peut se féliciter que le Gym ait changé de mains l’été dernier, tant les intentions des précédents actionnaires sino-américains paraissaient troubles sur le moyen terme avec, en particulier, un lourd prêt considéré comme toxique contracté au nom du club. Vu l’engagement de Jim Ratcliffe, patron britannique d’Ineos, les axes de développement de l’OGCN restent officiellement inchangés malgré le trauma économique actuel. Côté dirigeants, ni profil bas ni report annoncé des ambitions. La ligne affichée avant la pandémie du Covid-19 est maintenue, les actionnaires « ne vont pas déverser un flot d’argent considérable mais ils vont faire les choses raisonnablement, avec pour objectif de structurer le club, à tous les niveaux, ceux qui se voient, ceux qui ne se voient pas », dixit Jean-Pierre Rivère. À ce titre, la cinquième place obtenue sur le fil au terme – amputé – de la saison passée donne une image flatteuse et un peu faussée de la valeur sportive de la formation niçoise. Son entraîneur Patrick Vieira ne s’en cache pas puisqu’il parle de « bilan mitigé ». Pour Jean-Pierre Rivère, les millions et les garanties d’Ineos fixent surtout ce classement comme un horizon à tenir : « On a un projet à bâtir pour figurer dans les cinq premiers de façon récurrente. » Donc, pas d’obsession du propriétaire pour une présence en Ligue des champions dans un terme proche. À l’heure actuelle, les Niçois espèrent surtout que le Paris-SG remporte au moins l’une des finales de Coupes à venir, ce qui les mèneraient en Ligue Europa, directement ou via un tour préliminaire.

 

Une attractivité sportive qui se renforce


Conséquence de l’arrêt brusque de la Ligue 1 au cœur du printemps, les experts mercato pronostiquent des rafales de départs de joueurs vers les grands championnats limitrophes, moins affaiblis économiquement. Pour sa part, l’OGC Nice a fait vite en attirant le milieu international français Morgan Schneiderlin (Everton, 30 ans), le latéral gauche Hassane Kamara (Reims, 26 ans), et, en défense centrale, l’espoir brésilien Robson Bambu (Atletico Paranaense, 22 ans) ainsi que le jeune Autrichien Flavius Daniliuc (Bayern, 19 ans). Manifestement, malgré le contexte tourmenté post-Covid-19, le club de la Côte d’Azur suscite un intérêt croissant sur le marché des transferts. À tel point que les décideurs niçois passent leur temps à freiner des deux pieds face aux requêtes exorbitantes. Le club n’est plus perçu comme à la recherche d’une vedette déchue à requinquer (type Ben Arfa, Balotelli ou Sneijder) mais comme porteur d’un projet structuré sur plusieurs années. La preuve, Jean-Pierre Rivère et le directeur du football Julien Fournier n’imaginent pas céder les pépites de l’effectif, ni le buteur Kasper Dolberg (22 ans) ni le cavaleur Youcef Atal (24 ans), malgré une valeur individuelle proche de 20 M€. Voilà peu encore, dès qu’un Aiglon se signalait (Dalbert, Seri, Plea), il était vendu fissa pour alimenter la trésorerie. Le nouveau (et généreux) contrat signé par le solide gardien Walter Benitez confirme cette tendance : « J’ai reçu de belles offres de l’étranger mais Nice a de bonnes idées pour le futur. » Les fans niçois ne verront donc pas débarquer de starlettes, mais plutôt deux ou trois « très bons joueurs suivis depuis de longs mois et qui nous aideront à grandir », selon Jean-Pierre Rivère, bien aidé par l’écho mondial créé par la venue d’Ineos. L’OGC Nice comme tremplin vers des top clubs européens, l’idée fait son chemin dans le milieu. Ce qui facilite la mission de la cellule de recrutement qui peut ainsi mieux coller aux souhaits de Patrick Vieira en quête de cadres expérimentés capables de montrer la voie à la classe en devenir, les Claude-Maurice, Nsoki, (Khephren) Thuram, Boudaoui... À ce titre, la direction du Gym refuse de pratiquer une politique effrénée de trading de jeunes telle que la mène Monaco, trop déstabilisante à ses yeux.

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Un entraîneur qui prend de l’assurance

 

« J’espère que Patrick pourra enfin vivre une saison normale sur le banc... » L’aveu provient de Julien Fournier, très conscient que, depuis 2018, soumis à la valse des actionnaires et des dirigeants, son entraîneur a dû assumer sa mission dans des conditions peu commodes. Avec, pourtant, un bilan éloquent : septième, puis cinquième de L1. Capital du club stabilisé, hiérarchie clarifiée, l’ancien superman des Gunners et des Bleus (44 ans) apprécie de pouvoir réfléchir à son action l’esprit libéré : « J’ai beaucoup plus confiance en ce que j’essaye de mettre en place. Je me connais mieux en tant qu’entraîneur. » Durant la récente période d’inactivité, il a passé des dizaines d’heures devant son ordinateur. Au programme : visionnage des matches du Gym et des séances d’entraînement. « J’ai réfléchi à beaucoup de choses avec l’envie de m’améliorer et de rendre l’équipe plus compétitive. Des méthodes de travail peuvent changer. » Charisme intact, Patrick Vieira est encore un jeune technicien à haut niveau. À Nice, il a été confronté à un effectif bancal, à l’ingérable Balotelli, à l’indolence de certains... « Est-ce que je serai plus autoritaire ? », se questionne-t-il. En tout cas, l’ancien milieu d’Arsenal, de la Juve et de l’Inter veut se montrer « plus précis sur l’aspect mental ». Il a passé le message à ses supérieurs, il ne souhaite plus transiger sur le travail. Une présence dans le haut du classement chaque année est à ce prix. Le ménage a été fait dans l’effectif en ce sens. Les recrues devront « avoir le goût de l’effort au quotidien » et de l’agressivité physique à chaque match. Les entraînements vont être musclés. Et les multiples jeunes du groupe devront se mettre au diapason. Pour s’en persuader, il leur suffit de se repasser les mots claquants de leur coach : « On met l’exigence à un niveau beaucoup plus haut. Ceux qui ne sont pas prêts à tout donner, à accepter les sacrifices pour le collectif seront laissés à quai. » Les Aiglons sont prévenus, les acteurs de la Ligue 1 également.