Après douze ans de l’autre côté du Channel, le milieu de terrain international s’est engagé à Nice. Et tout le monde est ravi.
« On a recruté un joueur anglais ! » sourit Julien Fournier. Non pas que le directeur du football de Nice ignore que sa recrue est née en Alsace, à Zellwiller, le 8 novembre 1989, et a rejoint dès l’âge de 5 ans le Racing Club de Strasbourg où il a été formé, où il a signé pro à même pas 17 ans, où il a été lancé par Jean-Pierre Papin en L2 le 27 octobre 2006 (il avait remplacé Kevin Gameiro à Gueugnon, succès 1-0), puis fait ses débuts en L1 le 8 mars 2008 avec Jean-Marc Furlan contre Metz (2-3). Il sait aussi que le nouveau venu a intégré toutes les équipes de France, des jeunes jusqu’aux A (15 sélections). N’empêche que Morgan Schneiderlin est un joueur anglais dans l’âme. « Ça va au-delà du jeu en lui-même, ajoute Fournier. Il a joué douze ans là-bas, et je ne suis pas certain qu’il rêvait absolument de revenir en France car, comme moi et d’autres, il se pose des questions sur l’investissement au quotidien des jeunes joueurs français. Quand on a joué en Premier League et, a fortiori, en Championship et en League One comme lui (NDLR : D2 et D3 anglaise), on sait ce que cela signifie en termes d’intensité, en match mais aussi lors de chaque séance d’entraînement. » Patrick Vieira, l’ancien Gunner, connaît aussi, et c’est justement ce qu’il recherchait, comme il l’annonçait le jour de la reprise : « Dans l’aspect physique, athlétique, on doit être meilleurs, au niveau de l’agressivité aussi. »
Nice a fait une belle affaire au regard des deux transferts précédents du Français en Angleterre, de Southampton à Manchester United en juillet 2015, puis de MU à Everton en janvier 2017, le premier pour 35 M€, le second pour 23 M€. « Nous, avec les bonus, ça tournera autour des 4 M€, précise Fournier. Morgan cochait toutes les cases que nous avions établies avec Patrick. Nous étions aussi en contact avec un autre international français, plus jeune, mais après avoir discuté avec Morgan, Patrick et moi savions qu’on avait notre joueur. On n’a pas eu de mal à se mettre d’accord. Je crois qu’il est à un âge (30 ans) où il ne veut pas se tromper pour la suite de sa carrière, où il veut rester compétitif tout en prenant du plaisir. » Alors, bonne pioche pour l’OGCN, avec lequel il a commencé à s’entraîner avant même la validation de son transfert ? « C’est plus qu’une bonne pioche ! » surenchérit Thomas Zerbini.
Schneiderlin et lui sont amis depuis leur passage au centre de formation du Racing. Mais le milieu de l’US Reipertswiller (Régionaux 1), parti comme Schneiderlin alors que le Racing allait entrer dans les turbulences des relégations, n’a pas connu la même trajectoire. Le contact n’a jamais été rompu et les deux se voient, s’appellent régulièrement, notamment pendant le confinement durant lequel Schneiderlin se remettait d’une opération au ménisque du genou droit après sa blessure le 23 février dernier contre Arsenal. « Et je peux vous dire qu’il a suivi une rééducation de dingue ! Trois-quatre heures par jour avec un préparateur personnel. Même moi je lui disais : “Détends-toi !’’ »
« C’est un pro incroyable et je suis content qu’il revienne en France, poursuit Zerbini. Il va en épater plus d’un ! Il ne vient pas pour le soleil et la mer, il va à Nice parce qu’il est toujours ambitieux et qu’il sait que le club l’est, au point que ces dernières semaines, il se renseignait sans arrêt sur les autres arrivées. » Guy Stéphan, adjoint de Didier Deschamps en équipe de France, valide également ce choix. « C’est vraiment un bon mec qui joue pour les autres, un milieu qui cumule qualités offensives et défensives, jeu court et long, abattage, agressivité et habilité technique, généreux dans l’effort. Il mène une belle carrière, et ce qu’il a gagné, il est allé le chercher tout seul.» Pas simple de débarquer d’Alsace à Southampton en D2 anglaise à 18 ans, encore moins de descendre dans la division inférieure dans la foulée en raison des difficultés financières du club (136 matches en D2 et D3 au total). « J’en discutais avec lui peu après avoir vu le documentaire sur Sunderland (Sunderland ’Til I die, sur Netflix), raconte Zerbini. Je lui ai demandé : “Mais comment tu as survécu à ce truc de malade, la League One ?’’ Forcément qu’on s’endurcit, forcément qu’on doit être pro, sinon on explose ! » Beaucoup auraient plongé, lui a rebondi avec son club et conquis les fans des Saints pour qui il était « Spiderman ». Parce que c’est plus facile à chanter que Schneiderlin. Parce qu’une araignée a huit pattes pour gratter les ballons... Schneiderlin finit par découvrir enfin la Premier League en 2012 et s’épanouit sous la direction de coach Pochettino, qui lui donne davantage de responsabilités au milieu. Sentinelle ou relayeur, 6 ou 8, Schneiderlin s’adapte grâce à son volume de jeu et à son assurance technique. Il attire l’attention de Didier Deschamps et rejoint l’équipe de France. À deux reprises – Coupe du monde 2014 et Euro 2016 –, il est réserviste et profite des forfaits de Clément Grenier et de Lassana Diarra pour intégrer les 23. « Il avait le niveau pour être dans les 23 et l’état d’esprit qui nous permettait de savoir qu’on pourrait compter sur lui, même réserviste », confie Stéphan.
Son ascension atteint son pic lorsque Manchester United le recrute à l’été 2015 pour l’associer à Bastian Schweinsteiger au milieu. Malgré une bonne première saison, la suite sera moins convaincante. Mourinho l’utilise peu. L’irrégularité de MU l’atteint, la concurrence l’éteint, direction Everton en janvier 2017.
VAN GAAL, ANCELOTTI, MOURINHO, DESCHAMPS... COMME COACHES
Cette trajectoire laisse planer des doutes sur le rôle de leader qu’il pourrait tenir à Nice. Julien Fournier balaye l’interrogation. « Quel type de leader ? Il y en a plusieurs. Celui qui prend la parole devant le groupe et a une attitude en adéquation avec ses mots, c’est Dante. Morgan n’est pas Dante, il est plus réservé, ne parlera peut-être qu’une fois ou deux durant la saison parce qu’il sent qu’il le faut. Son état d’esprit sera son meilleur atout pour être écouté. C’est le type de joueur qui cimente une équipe, un groupe. Et pour Patrick, c’est un relais de plus sur le terrain, avec Benitez, Dante ou Lees-Melou, car Morgan est riche de ses expériences, bonnes et mauvaises. » Riche d’avoir eu pour coaches Pochettino, Koeman, Van Gaal, Mourinho,Ancelotti... « Et Deschamps en équipe de France, sourit Stéphan. C’est évident qu’on s’enrichit au contact de tels coaches... » Surtout quand on a pour objectif de devenir un jour entraîneur comme c’est son cas. Thomas Zerbini : « On faisait le casting de ses coaches récemment, et ç’a de l’allure. Dommage qu’il se soit blessé à Everton car sa relation avec Carlo Ancelotti le relançait. Il ne m’a pas caché que son feeling avec Patrick Vieira était très bon au long des nombreuses discussions qu’ils ont pu avoir. » Sans doute parce qu’ils parlent la même langue, celle du foot anglais.