Le directeur du football de l'OGC Nice Julien Fournier dresse un bilan de la dernière saison, peu flatteur pour son entraîneur Christophe Galtier. Et il adresse un message clair aux dirigeants du Paris-SG.
Souriant et décontracté dans son polo vert, Julien Fournier est revenu pendant trois quarts d'heure sur la saison de son club, jeudi, dans la salle de presse de l'OGC Nice. Achevée à une décevante cinquième place, cette saison s'est terminée dans un climat de tension exacerbée entre le directeur du football et son entraîneur, Christophe Galtier, sans savoir si l'un des deux sera toujours au club à la reprise, prévue le 27 juin. Annoncé en partance, celui qui dirige le Gym au quotidien avait donc quelques sujets à évoquer. S'il n'oublie pas d'égratigner son entraîneur au moment du bilan, il met clairement la pression sur les dirigeants parisiens pour connaître leur position vis-à-vis de Galtier.
« Êtes-vous toujours le directeur du football de l'OGC Nice ?
Je suis là et je travaille sur la saison prochaine. Vous verrez que pendant toute la période de mercato, je serai là.
Donc jusqu'au 1er septembre ?
Ce que je peux dire, c'est que oui, je serai là jusqu'à cette date et qu'on a convenu avec nos actionnaires de faire un point après le mercato, tranquillement, pas dans la panique générale. Le mercato est une période très importante pour un club et j'ai des responsabilités, il faut y faire face. Peut-être qu'en septembre, ils auront envie de travailler avec quelqu'un d'autre. C'est la vie d'une entreprise et je le comprendrais totalement. Peut-être que moi, j'aurai aussi envie de vivre une autre aventure. On n'est pas obligés de se jeter des cailloux à la figure. Je sais ce que je veux faire. J'ai fait douze ans dans ce club-là, une année sur deux en Coupe d'Europe ; on a dépensé 120 M€ pour construire l'équipe et aujourd'hui elle vaut au bas mot 250 M€ ; on a une masse salariale qui est la 6e ou 7e du Championnat de France. Je n'ai honte de rien.
Quel regard portez-vous sur la saison qui vient de s'écouler ?
On a l'impression que Nice n'a pas fait une bonne saison. Je suis persuadé qu'on aurait pu, qu'on aurait dû, faire une meilleure saison. On était deuxième à la trêve. Quand tu es dans cette bagarre-là toute l'année, oui, tu veux finir plus haut que cinquième. Mais quand j'entends les gens, j'ai l'impression qu'on sort d'une saison presque cataclysmique. Je suis fier des garçons. On a beaucoup de très bons joueurs. Il n'y a pas de panique à bord.
Christophe Galtier a toujours trouvé votre mercato hivernal trop frileux, pas assez pourvu de joueurs d'expérience (avec les seules arrivées de Brahimi et Amavi). Qu'en pensez-vous ?
Que c'est se donner une excuse. Parfois pour fuir une forme de réalité. Cette équipe, telle qu'elle est constituée, aurait pu avoir de meilleurs résultats. Avec plus d'allant offensif, parfois plus de courage. C'est sa lecture. Je trouve ça - même par rapport à Billal (Brahimi) - très dur, pas juste du tout. Ironie de l'histoire, c'est lui qui fait le centre sur le 3e but de la tête d'Andy (Delort) au dernier match (3-2 à Reims)... C'est sa lecture des événements. C'est un raccourci. Je pense qu'il aurait pu être lui-aussi plus performant.
Et vous, auriez-vous pu être plus performant au dernier mercato hivernal ? Est-ce un fantasme que de croire que vous auriez pu utiliser plus de moyens et recruter des joueurs plus aguerris ?
Pour nous et le coach, on manquait de jambes, de verticalité, de joueur de profondeur, de percussion. Quand on regarde le marché sur ce poste-là avec ces caractéristiques-là, en janvier, il n'y avait que des joueurs en situation d'échec et qui ne correspondaient pas. Ce n'était pas une question de moyens mais de profil, de disponibilité sur le marché. Si on avait eu 50 M€ à dépenser, d'accord, mais ça n'a jamais été la réalité du club et j'espère que les gens le comprennent.
Plus largement, vous avez toujours recruté majoritairement de jeunes joueurs pas trop chers que votre club pouvait développer. Christophe Galtier a toujours préféré des joueurs plus expérimentés rompus à la Ligue 1. Avec le recul, était-ce cohérent de le faire venir avec ce modèle de recrutement ?
C'est une question extrêmement pertinente. Mais on oublie le contexte dans lequel on prend les décisions. On sortait de deux saisons où les observateurs disaient qu'on manquait de caractère, d'agressivité, et ce club avait besoin de ça. Évidemment que la question que vous posez, on se l'est posée, et on l'a partagée avec Christophe : "Christophe, on a toujours bâti nos équipes en 4-3-3, tu es dans un 4-4-2, est-ce que tous les joueurs qu'on a peuvent rentrer ?" "Ah oui, Claude-Maurice peut jouer là, Dolberg, j'adore..." On avait besoin de faire venir un leader positif. Positif, j'insiste. Quelqu'un qui a envie de gagner. Je voulais que le club passe un cap avec ça. On savait que sur le plan du jeu, ce serait un petit virage dans l'ADN qu'on a posé. Mais c'était un plus gros risque à l'époque de faire venir Claude Puel, qui a révolutionné ce club, et qui avait une ADN d'être dans le combat avec des joueurs très expérimentés. Dans toutes les décisions, il y a des risques. Et je pense que si Christophe avait donné sa pleine mesure dans les qualités qu'il a, aujourd'hui on serait ravis.
Comment expliquez-vous ces deux derniers mois qui ont plombé la saison ?
Je trouve qu'il y a eu beaucoup de négativité autour de l'équipe. Christophe a été extrêmement performant à Lille (champion de France en 2021). Comme ça arrive à certains joueurs aussi, il a été moins performant chez nous. On attend de lui, la saison prochaine, qu'il soit plus performant, et notamment sur les aspects offensifs. Prenons la qualité individuellement de nos joueurs offensifs. On est la neuvième attaque du Championnat (avec 52 buts). Je pense que dans les huit qui sont devant, il y en a qui aimeraient avoir notre force offensive. Quand je regarde la physionomie de la deuxième partie de saison, il y a très peu de matches qu'on a maîtrisés. On marquait sur des exploits individuels, parfois à la dernière minute. Ça veut bien dire qu'individuellement, nos joueurs ont du talent. Mais on n'avait pas de force collective.
Quand vous dites que l'équipe était trop frileuse, l'a-t-elle été lors de la finale de la Coupe de France (perdue 1-0 contre Nantes, le 7 mai) ?
C'est certain. J'avais assisté à la préparation avec le staff, qui avait très bien travaillé d'ailleurs, je le leur avais dit, mais de mon point de vue, pas sur le bon plan. Je leur avais posé la question le lundi : "Comment pensez-vous que Nantes va nous aborder ?" Ils m'avaient répondu qu'ils allaient nous sauter à la gorge et nous mettre en bloc bas, qu'il faudrait donc être costaud défensivement. Je trouvais que ce n'était pas la bonne approche. Et sur le match, je n'ai pas vu Nantes nous mettre en bloc bas... À mon avis, on aurait dû être plus sûrs de nos forces. Après, c'est un match qui s'est joué sur rien, sur un penalty (du Nantais Ludovic Blas, 47e). Si on l'avait abordé différemment, on aurait pu être plus acteur de notre finale, ce qu'on n'a pas été.
Regrettez-vous d'avoir choisi Christophe Galtier au printemps dernier ?
Non, parce que si je me remets dans le contexte de l'année dernière, je reprends la même décision. Mais on ne connaît jamais une personne tant qu'on n'a pas travaillé avec.
On disait pourtant que vous étiez proches, que vous jouiez ensemble au padel...
(Il sourit) Parce qu'on se connaît depuis longtemps. J'étais à l'OM aussi (il a été secrétaire général du club olympien au début des années 2000). Oui, il était venu une fois jouer au padel avec nous.
Est-ce possible de vous voir encore travailler ensemble ?
Bien sûr. Avec Claude (Puel), ça n'a jamais été un long fleuve tranquille. Mais Claude était professionnel jusqu'au bout des ongles. Je l'ai été aussi. C'était autrement plus dur avec Claude, mais il a été d'un professionnalisme remarquable. Avec Patrick (Vieira), ça n'a pas été simple non plus, pourtant on a bossé.
Communiquez-vous sur le mercato ?
Christophe est en vacances, il faut qu'il coupe et il faut respecter sa période de vacances. Et il ne faut pas changer les trois quarts de l'équipe. Il n'y aura pas de révolution.
Qui a le plus de chances d'être encore là dans un an : vous ou Christophe Galtier ?
(Il rit) Peut-être les deux ! Ou ni l'un ni l'autre ! »
L'encart sur le départ au PSG
« Si le PSG veut Galtier, il ne faut pas trop qu'il tarde »
Julien Fournier n'a même pas eu besoin que l'on mentionne l'intérêt supposé du PSG pour Christophe Galtier pour évoquer le sujet... et ouvrir à la porte à son entraîneur. Interrogé sur le fait que le manager reste niçois cette saison, il a embrayé spontanément : « Je suis comme vous, je lis. Mais il est sous contrat, c'est une réalité. Donc il a plus de chance d'être à Nice que de ne pas y être. C'est très basique mais c'est très vrai. Après, si le Paris-Saint-Germain vient, et c'est une décision que je ne peux pas prendre seul bien évidemment, quand vous avez ce type de club-là qui vient chercher l'un de vos joueurs ou votre entraîneur, c'est compliqué de dire "non". » Sans donner l'impression de chercher beaucoup à retenir son entraîneur, le dirigeant niçois souhaite dicter le tempo : « Chaque jour qui passe rend la tâche du Paris-Saint-Germain plus difficile, parce que nous, il faut qu'on avance pour la saison prochaine. S'ils le veulent, il ne faut pas qu'ils tardent. » Questionné sur un possible plan B déjà à l'étude, Julien Fournier assure : « Sur ces sujets-là, il faut toujours rester en alerte ». Avant de s'adresser de nouveau aux décideurs parisiens au moment d'évoquer l'incertitude sur le mercato engendrée par la situation du coach : « Et comment fait le Paris-Saint-Germain ? C'est la vie d'un club... C'est pour ça que je répète que si le Paris-Saint-Germain veut Christophe Galtier, il ne faut trop qu'il tarde, sinon ce sera plus compliqué pour lui. » Simple souci de visibilité, ou appel du pied ?
Décryptage : quand Fournier sort du bois
Sollicité à de multiples reprises depuis la finale de la Coupe de France qui avait fait basculer la saison niçoise et exacerbé les tensions avec son entraîneur, Julien Fournier voulait attendre pour répondre aux critiques distillées par Christophe Galtier et, plus largement, pour défendre son travail. Avec l'intérêt grandissant du Paris-SG pour le technicien et le flou entourant le Gym qu'il convenait de dissiper (au moins un peu), un dirigeant devait parler. Pour Fournier, l'occasion était rêvée pour montrer qu'il n'était pas encore parti. Combien de temps restera-t-il au club ? Ce qu'il dit n'assure en rien qu'il ira au-delà de ce mercato. Mais cela permet encore moins de croire que Christophe Galtier peut continuer à diriger cet effectif : le technicien souhaiterait le voir renouveler profondément, ce qui ne sera pas le cas avec Fournier aux manettes cet été. Si ce dernier sait ne pas avoir d'affect dans le travail, ce qu'il explique semble quand même acter la fin de l'histoire de Galtier à Nice. Comme si le Paris-SG pouvait rendre service à tout le monde.