Lens-Nice: La loi s’en mêle

 Après le débauchage de plusieurs cadres de son staff en 2022, la formation nordiste a dénoncé une concurrence déloyale et tenté de faire perquisitionner les locaux du club azuréen, qui s’est quant à lui plaint au tribunal de commerce de  "manœuvres de déstabilisation"

La concurrence en tête de la Li- gue 1 ne se joue pas que sur le terrain… Alors que le RC Lens (6e , 36 points) recevra l’OGC Nice (4e , 40 points) le 16 mars (26e journée), les deux clubs, qui se battent pour l’Europe, se livrent une véritable guérilla judiciaire depuis plus d’un an. Selon nos informations, les Nordistes ont même tenté à plusieurs reprises de faire per- quisitionner le siège du club azuréen. Tout commence à l’automne 2022. Le directeur sportif de Lens, Florent Ghisolfi, est débauché par Nice, en pleine restructuration sous la houlette d’In- eos. Grégory Thil, le responsable de la cellule de recrutement, doit le suivre et s’engage avec l’OGCN, avant d’être rattrapé in extremis par Lens, qui le nomme finalement au poste vacant de Ghisolfi. Mais les départs se poursui- vent et, en novembre 2022, Laurent Bessière, directeur de la per- formance, et Ghislain Dubois, préparateur physique, annoncent tous deux à leur direction qu’ils partent rejoindre Ghisolfi.

Pour Lens, la situation est inacceptable : l’OGC a tenté de débaucher (et y est en partie parvenu) quatre cadres du staff, considérés comme formant le cœur du projet sportif. Le communiqué publié à l’époque par Lens est sévère : Bessière et Dubois « ont manifesté leur choix de rallier les promesses d’une puissance financière annoncée de la Ligue 1 Uber Eats. Le Racing, club traditionnel qui place le collectif en valeur absolue, regrette amèrement l’annonce de ces départs en cours de saison ». Comme le révèle L’Équipe, le RCL adresse une mise en demeure à Ghisolfi et son nouveau club de cesser leurs manœuvres de débauchage

 

Une banderole insultant Ghisolfi à Bollaert

 

Le RC Lens décide aussi de ne pas libérer ses cadres avant la fin de leur période de préavis. Bessière, sous contrat jusqu’en février 2023, argue cependant de difficultés (son bureau a été déménagé dans l’aile administra- tive, il n’assure plus aucun rôle décisionnaire) et décide de mettre un terme anticipé à son contrat le 2 janvier. Il rejoint immédiatement le staff de Nice.

Colère du RC Lens, qui saisit la LFP pour s’opposer à la venue de Bessière à Bollaert le 1er février. Ce dernier consent à ne pas venir par mesure d’apaisement, mais ce jour-là, une banderole « Ghi- solfi fils de p… » est brandie en tribune pendant de longues minu- tes, incitant l’OGC à déposer une plainte contre X.

 

Deux semaines plus tôt, déjà, Reims, qui recevait Nice à domicile pour le compte de la 19e journée de Ligue 1, avait déposé une réserve contre le résultat du match (0-0), eu égard à la présence de Bessière sur le banc des Aiglons, alors que celui-ci était « encore salarié » du RC Lens. Une réclamation aussitôt jugée irrecevable par la LFP. Bessière estime pour sa part qu’il avait tout à fait le droit de changer d’entreprise, comme n’importe quel salarié, n’étant pas soumis à une quelconque clause de non-concurrence. Il a aujourd’hui saisi les prud’hommes et réclame le versement de primes qu’il estime dues. L’audience doit se tenir le 2 avril. « Mon client considère avoir été mis à l’écart et dans l’impossibilité d’exécuter son préa- vis », confirme son avocat, Me Jules Plancque.

Loin d’en rester là, le RC Lens a quant à lui saisi le tribunal de Nice dès le 17 janvier 2023, « aux fins de désignation d’un commissaire de justice avec mission d’obtenir com- munication de divers documents détenus au sein de la société ». La procédure s’apparente à une per- quisition. Elle consiste à exposer au président du tribunal son préjudice – le RC Lens a allégué une concurrence déloyale des manœuvres de débauchage visant à l’affaiblir de la part d’un concurrent direct – et obtenir la désignation d’un huissier, lequel aura pour mission de saisir, au siège du club azuréen, tout document ou échange de mail relatif au débauchage des cadres lensois.

 

Nice accuse Lens de déloyauté procédurale et de mauvaise foi

 

La procédure n’est pas contradictoire. L’OGC Nice n’en a pas con- naissance et n’a aucun moyen de s’y opposer ou de se défendre. La requête ne va cependant rien donner. Le RC Lens décide alors de jouer à domicile et formule des demandes similaires, cette fois-ci auprès des tribunaux de commerce d’Arras et de Béthune. Le club obtient le précieux sésame et, le 23 janvier 2023, un huissier frappe à la porte de l’OGC Nice. Par deux fois, il va se casser les dents, le club invoquant notam- ment le déménagement de ses locaux pour se dérober à la per- quisition civile. Les Niçois répliquent et saisissent en référé les tribunaux de Béthune et d’Arras pour obtenir la rétractation des ordonnances. Sans succès. Ils saisissent alors la cour d’appel de Douai. Nice accuse Lens de déloyauté procédurale et de mauvaise foi, en cher- chant à accéder à ses serveurs et matériels informatiques pour « mettre la main sur des informations confidentielles ». « L’objectif recherché était, non pas la collecte de documents sociaux des anciens salariés (…) mais évidemment la déstabilisation de l’OGC Nice par l’effet de surprise et intrusif induit par une telle procédure dans la période du mercato particulièrement sensible et important », tacle-t-il.

 

Le RC Lens défend pour sa part sa procédure en invoquant un risque de déperdition de preuves. Le 8 février dernier, la cour d’appel de Douai a finalement donné raison à Nice en considérant que l’absence de procédure contradictoire n’était pas justifiée et que l’affaire devrait se régler sur le fond, dans le cadre d’un débat entre les deux parties. Lens analyse aujourd’hui les chances de succès d’un pourvoi en cassation.

 

L’affaire est loin d’être termi- née : le club azuréen a à son tour saisi au fond le tribunal de commerce de Nice, se plaignant d’une tentative d’atteinte au secret des affaires et de manœuvres de déstabilisation. Il a également dé- posé une réclamation pour se voir indemniser un préjudice d’image et réputationnel.